Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/907

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de splendides vallées qui s’enfoncent parfois dans l’intérieur jusqu’à 8 et 10 lieues. L’optique alpestre est féconde en ces sortes d’illusions. Il suffit d’un avant-mont vertical d’une centaine de mètres d’altitude pour fausser toutes les notions du touriste sur la configuration réelle de l’intumescence la plus proche. Qui soupçonnerait, par exemple, au-dessus de l’inextricable chaos de rochers qui ferme à l’est le noir défilé d’où s’échappent les eaux du Trient, l’existence de cette merveilleuse terrasse de Gueures : toute une oasis de prés verdoyans, d’ombrages touffus, de champs cultivés, qu’anime un joli groupe de huttes pittoresques ? Combien de délicieux alpages se cachent ainsi, à toutes les hauteurs, derrière d’âpres boursouflures qui à distance ont l’air de faire absolument corps avec la grande ligne dorsale dont elles ne sont en réalité que des appendices détachés !

Ces alpages, souvent invisibles de la plaine, constituent une des richesses les plus précieuses du montagnard valaisan ; on peut même dire qu’avec ces plants de vigne renommés qui croissent, en compagnie du figuier d’Inde et de l’agave, sur les rochers brûlans de Conthey et de Sierre, ces pâlis sont le plus clair et le plus assuré de son avoir. Encore le savoureux cep de Malvoisie est-il sujet parfois à quelque accident ; le pacage alpestre au contraire, — je ne sors pas de la région médiane, — n’a rien à craindre des élémens. Sa situation le met à l’abri des avalanches, et, à quelque moment qu’il dépouille, suivant les années, sa fourrure de neiges hivernales, on le retrouve avec son herbe odorante et fine et tous ses principes extraordinairement nutritifs que ne possède point, tant s’en faut, le pré à faucher du bas pays.

Les alpages du Valais portent le nom général de mayens. Parmi ces mayens, les plus vastes et les plus beaux sont sans contredit ceux de Sion. Quand, par une claire journée d’été, on contemple des hauteurs solitaires du château Valeria l’immense croupe boisée qui se dresse entre le val de Nendaz et celui de la Borgne, on demeure réellement saisi d’admiration. L’attrait du spectacle est encore accru par le contraste indescriptible du site. De toutes les montagnes qu’on a sous les yeux, celle des Mayens est la seule qui soit chevelue et riante. À l’opposite s’élève la crête osseuse du Sanetsch ; plus loin, à l’ouest, le pic d’Ardon étire au soleil ses membres nus et difformes ; au levant, par delà Sierre et les halliers moussus de la forêt de Finges, pointent les cimes tourmentées derrière lesquelles se cache la Gemmi ; la vallée elle-même, malgré ses carrés de prés verts et ses vergers, emprunte un aspect sauvage, presque menaçant, aux soulèvemens bizarres du sol, aux innombrables bosselures rondes et coniques, surmontées ou flanquées de castels en ruine, le long desquelles tourbillonne le Rhône écumeux. L’observateur,