cet hiver aux différens concerts populaires; l’autre, M. Sellier, une voix fulgurante dont la simple émission vous ravit, et dont la riche constitution vous laisse parfaitement rassuré à l’endroit des hauteurs à franchir. Ainsi, dans l’air de Guillaume Tell, l’ut aigu s’énonce largement sans le moindre effort; c’est bien là le fameux ut de poitrine du grand Duprez, cause de l’émerveillement de toute une génération, et qui chez ce jeune homme sort à fleur de voix, et se fait comme on prétend que se fait le premier pas : sans qu’on y pense. Duprez, certes, y pensait, lui, et rudement encore ; mais la nature a de ces miracles, et c’est assez d’être jeune et doué pour atteindre du premier coup aux effets les plus renommés. Seulement n’oublions pas que, si la nature donne certains avantages, il en est d’autres que l’étude seule nous apporte, et c’est à quoi M. Sellier devra maintenant réfléchir. L’Opéra met de grandes espérances en ce jeune homme et surveille ses progrès depuis dix-huit mois; il convient aujourd’hui d’achever cette éducation et de ne rien compromettre par de trop hâtifs débuts. A tout prendre, M. Sellier pourrait dès à présent aborder la scène avec Guillaume Tell, et réussir dans Arnold par l’unique prestige de sa voix éblouissante; mieux lui vaudra cependant de poursuivre ses classes et de continuer à travailler et son chant et sa déclamation. Le Conservatoire a pour professeur en ce dernier genre d’études un homme dont vingt ans de succès à l’Opéra ont consacré l’autorité; j’ai nommé M. Obin, le Philippe II resté célèbre du Don Carlos de Verdi. Comment des élèves qui peuvent chaque jour se former aux leçons d’un pareil maître ignorent-ils à ce point l’art du geste et du maintien? On consent bien à soumettre sa voix aux plus laborieux exercices; puis, quand au bout de quelques années on est arrivé de ce côté à des résultats plus ou moins satisfaisans, il semble que tout soit dit et qu’on n’ait plus qu’à s’en aller devant le public débiter des rôles dont l’esprit et le sens vous échappent. « Narrez-moi donc en quatre mots ce que c’est que le personnage que je joue, nous disait un soir dans la coulisse une dons Anna de l’Opéra au moment d’entrer en scène, — et qu’est-ce que don Juan a bien pu me faire pour que je m’acharne ainsi après ses trousses? » — Et remarquez que la personne en question n’était point une sotte, et que, comme cantatrice, elle avait son influence; ce qui lui manquait, c’était un certain degré de culture, ce minimum d’information littéraire désormais partout indispensable, — fût-ce même à l’Opéra. A quoi cela sert-il d’avoir au Conservatoire une chaire d’histoire de la musique que fréquentent de loin en loin quelques rares amateurs de curiosités archéologiques? Ce n’est ni d’esthétique ni d’anecdotes que les élèves ont besoin, et tel professeur de l’établissement, M. Obin par exemple, qui leur expliquerait à tour de rôle les divers caractères qu’ils sont destinés à représenter ferait bien mieux leur affaire.
Par une singulière coïncidence, les deux ouvrages qui portèrent bonheur