Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confirmer les premières instructions que lui avait dictées le comte de Brienne et les appuyer de tout son poids. «…Vous ne compterez plus parmi mes ennemis M. le coadjuteur, lui écrivait l’illustre exilé, car nous sommes en fort bonne intelligence ; la chose est assez extraordinaire, mais l’on en voit de semblables en France. Il ne faut pas pourtant que personne, particulièrement au palais, ait connaissance de notre amitié, car elle lui serait fort préjudiciable à l’égard du pape, qui a seulement affecté de lui départir des grâces lorsqu’il remuait tout à Paris contre moi. Je ne doute point que vous n’employiez votre crédit et votre adresse pour faire en sorte que la nomination que le roi a faite en sa faveur ait son effet, et, croyant que vous ne seriez pas marri de savoir que vous m’obligerez en vous employant avec chaleur en cela, je vous en ai voulu donner avis, et je serai bien aise que vous me mandiez au plus tôt ce que vous espérez de l’affaire…[1]. »

Dans une nouvelle audience, vers la fin d’octobre, le pontife assura de nouveau le bailli que toutes les intrigues qui seraient mises en jeu pour traverser la promotion du coadjuteur seraient inutiles tant que le roi paraîtrait la désirer[2].

Jusqu’alors l’ambassadeur s’était scrupuleusement conformé aux premières instructions qu’il avait reçues pour faire réussir l’affaire du coadjuteur. Aussi n’est-on pas peu surpris de trouver, dans une lettre qu’il adresse à Brienne le 6 novembre, de perfides insinuations contre le prélat. Peut-être espérait-il que la cour de France ôterait le chapeau au coadjuteur pour le lui donner à lui-même. Que ce soit l’ambition, l’envie ou l’amour de la vérité qui ait dicté la lettre du bailli, elle n’en est pas moins curieuse. « Le pape, disait-il, ayant reçu la nomination du coadjuteur, songe à en faire sa créature. Il espère que le coadjuteur et le duc d’Orléans ne permettront pas qu’il se décrète rien dans le conseil à son désavantage, y prenant toujours ses intérêts en main… l’approuve bien que l’on fasse ce qui est convenable pour hâter cette promotion, mais de sacrifier l’honneur de l’état pour cet effet, je n’en puis tomber d’accord. Si le pape cherche de la bonne volonté en France, qu’il la cherche directement par les satisfactions qu’il donnera au roi et non point à ses vassaux. Quand les premières barricades ont été faites a Paris, le pape a fait venir son nonce aux intérêts du parlement, ainsi que vous l’avez vu, mettant son appui sur les malcontens[3]… »

  1. Lettres de Mazarin, t. XXIX. Archives du minist. des affaires étrang. ; France.
  2. Le bailli de Valençay au comte de Brienne, 30 octobre 1651. Archives du ministère des affaires étrangères, Rome, t. CXIX.
  3. Le bailli de Valençay au comte de Brienne, 6 novembre 1651. Archives du ministère des affaires étrangères, Rome, t. CXX.