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coadjuteur sont des personnes auxquelles il ne faut pas donner sujet de se plaindre, et de pouvoir dire avec raison qu’on leur ait manqué, vous vous souviendrez que la consultation qui devait être faite entre Mazarin et le coadjuteur, de laquelle dépendait après l’exécution de toutes choses, aurait aplani les difficultés, été toutes les méfiances et affermi les amitiés, en sorte que les frondeurs, agissant en faveur de Mazarin, auraient eu grande facilité à l’exécution de son affaire, laquelle ils ne peuvent pas retarder à présent… » Mazarin savait par ses confidens et ses familiers que le coadjuteur ne cessait de lui être fort hostile, mais il avait feint la patience et la longanimité afin de ne pas le pousser à agir trop vivement contre lui. Lorsque la palatine lui apprit que le prélat n’était nullement d’avis de son retour, non plus que le duc de Bouillon et Turenne, il adressa à la princesse une lettre vive et pressante qui était comme un dernier appel à la concorde : « L’intention du coadjuteur, à ce que vous me mandez, est toute contraire aux résolutions de Mazarin, qui ne peut pas se dispenser de les mettre à effet après tous les engagemens dans lesquels on est entré… Il me fait beaucoup de peine que MM. de Turenne et de Bouillon soient du même avis, car ils ont plus d’intérêt que personne à mon prompt retour… Il est juste que je reçoive aussi des marques de leur bonne volonté en un rencontre[1], où ils ont le même intérêt que j’y réussisse. Je prétends la même chose du coadjuteur et de ses amis, qui doivent être assurés que personne du monde ne pénétrera quoi que ce soit de ce qui se passera entre moi, la reine et le coadjuteur. Mais pourquoi le coadjuteur ne pourrait-il prendre une résolution généreuse (étant assuré du roi, de la reine et de moi, ayant ce qu’il souhaitait) et une entière confiance, et se déclarer sans peine ? » Cela ne serait-il pas préférable, poursuivait-il, à cette « vie de circonspections » dont il est impossible qu’il ne soit embarrassé ? « Sur quoi je puis répondre que leurs majestés, aussi bien que moi, serons ravis de voir sa personne hautement déclarée, quand même cela diminuerait de beaucoup son crédit. Je vous dis librement mes pensées, mais je me remets aux résolutions du coadjuteur et à ce qu’il jugera plus à propos, étant persuadé, dans l’estime que je fais de sa prudence, qu’elles seront toujours les meilleures… Je crois qu’il fera bien de se ranger du parti de la reine, et il sera bien servi par moi…[2] »

Le 26 décembre, il écrivait à la palatine que le coadjuteur devait faire tous ses efforts pour gagner la confiance du duc d’Orléans et le lui ramener. « L’avantage du coadjuteur y est tout entier, car le coadjuteur et Mazarin, bien unis et accrédités, l’un auprès de

  1. Rencontre était employé au masculin sous le règne de Louis XIII et pendant la minorité de Louis XIV.
  2. Bouillon, le 21 décembre 1651.