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seule adoption du système inquisitorial n’en ruina pas moins l’ancien mode de procédure. Ce ne fut plus dans les droits laissés à l’accusé, mais dans les pratiques imposées aux cours qu’on chercha des garanties en faveur de l’innocence. Le juge dut agir de concert avec le ministère public. Des règles lui furent tracées pour examiner la cause portée à son tribunal. Ce fut une longue affaire qui se composa d’une série d’actes devant se succéder dans un certain ordre qu’il n’était pas permis d’intervertir, car ils étaient regardés comme la garantie d’une bonne justice et conséquemment de l’innocence.


III

La procédure se composa de deux informations, l’information générale et l’information spéciale. Par la première était établi ce qu’on appelle le corps du délit : le juge dirigeait une foule de recherches ; ses agens ou ses préposés fouillaient le domicile de l’accusé, se rendaient sur les lieux où le crime avait été commis, recueillaient les dires de tous ceux qui pouvaient en avoir eu connaissance. C’étaient d’ordinaire des officiers de justice subalterne, tels que greffiers, sergens et huissiers, qu’on chargeait d’une pareille besogne. On s’aperçut bientôt des inconvéniens de confier une mission si grave à des hommes dont la moralité laissait jadis beaucoup à désirer, qui abusaient souvent de leur autorité, extorquaient de l’argent et menaçaient de charger ceux qui ne leur en donnaient pas. Sous Philippe le Bel, le peuple de Paris se plaignait des innombrables exactions des sergens du Châtelet, et le roi dut y porter remède par son ordonnance de 1309. La nécessité de contrôler les rapports de ces officiers apparut clairement ; c’est ce qui donna lieu à ce qu’on appela le récolement des témoins, qui devait être fait séparément par le juge même lors de l’instruction définitive. C’était là assurément une garantie, mais, hélas ! elle devint en certains cas illusoire. Les documens du temps montrent qu’elle venait parfois se briser contre les préventions du juge, qui, confiant dans ceux qu’il avait commis, n’entendait pas que les témoins appelés à nouveau contredissent ce que ceux-ci lui avaient rapporté. On voit de temps à autre le juge, lors du récolement, interpeller vivement les témoins qui ne lui disent pas tout ce que l’officier de justice inférieur leur avait fait dire : il va jusqu’à les menacer ; tout au moins il les intimide, et, au lieu de corriger un procès-verbal infidèle, il ne fait que confirmer des inexactitudes, peut-être même des mensonges. La confrontation de l’accusé avec les témoins fut un progrès qui rendit à celui-ci une garantie dont l’audition secrète, admise d’abord par l’enquête, l’avait privé. Alors du moins le prévenu put savoir autre