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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/279

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préalable ne soit très utile et qu’on n’en tire un grand bien pour la société civile. Toutes les raisons apportées contre l’usage de la question préparatoire cessent ici d’avoir lieu, puisque l’accusé, étant condamné à mort, n’a aucun motif pour cacher la vérité, et que d’ailleurs il n’y a pas grand ménagement à garder à l’égard d’un corps confisqué et qui va être exécuté, » Jousse se trompait. Le coupable, même condamné à mort, gardait encore quelque espoir de salut, tant l’espérance tient à notre nature, et, dans cette pensée, il persistait à nier. C’était seulement au pied de l’échafaud que son espoir l’abandonnait ; alors seulement il demandait à faire les aveux que la question ne lui avait point arrachés ; il parvenait ainsi à prolonger son existence de quelques heures, comme on voit que cela se passait fréquemment à la place de Grève : le criminel, prêt à être exécuté, était conduit à l’Hôtel de Ville pour qu’il pût parler devant le juge, et y passait souvent la nuit. La question préalable fut maintenue jusqu’en 1788, quoiqu’elle blessât profondément le sentiment d’humanité. C’était en effet la plus cruelle ; car, comme vient de le dire Jousse, on ne gardait aucun ménagement envers un malheureux qui allait être supplicié. On voulait lui arracher des révélations à tout prix. Les docteurs en Sorbonne, à ce que nous apprend Mathieu Marais, en vinrent jusqu’à refuser l’absolution au condamné qui, avant de mourir, n’avouait pas ses complices ; les capucins se montrèrent moins exigeans. La question préalable ne fut même supprimée tout d’abord qu’à titre d’essai, et c’est l’assemblée nationale qui effaça ce dernier vestige d’une pratique révoltante adoptée pendant si longtemps.

Les nouveaux principes admis pour l’appel des sentences criminelles dans l’ordonnance de 1670 étaient venus au moins modérer l’application de la question. Cette ordonnance avait substitué deux degrés de juridiction aux trois admis auparavant L’appel du jugement portant des peines afflictives et infamantes dut toujours être porté en parlement, tandis que pour de simples délits les condamnés avaient l’option entre cette haute cour et le bailliage ou le présidial. Cet appel fut obligatoire et forcé pour la question comme pour tous les jugemens préparatoires dits d’avant faire droit des cas les plus graves, et lors même que l’inculpé avait acquiescé à la sentence qui le condamnait à la torture, le principe des deux degrés de juridiction n’en subsistait pas moins. Telle était la doctrine qu’au XVIIe siècle fit prévaloir, dans l’intérêt de l’accusé, l’avocat général Talon. Il en résulta qu’en fait la torture ne put désormais être ordonnée et appliquée sur une simple sentence du premier juge. Le ministère public à défaut de l’accusé appelait toujours de cette sentence. Ce fut donc alors seulement, avec l’assentiment du parlement, que la question fut employée, c’est-à-dire par arrêt