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personnelles ou pécuniaires que condamnait l’illégitimité de leur origine, car l’assemblée constituante ne pouvait pas admettre, et avec raison, que la liberté personnelle pût être l’objet d’un contrat. On comprend donc que ces sortes de droits dussent être abolis sans rachat parce qu’ils représentaient des droits inaliénables qui n’avaient jamais pu être ni achetés, ni vendus.

Mais si l’on était d’accord sur le principe, l’application présentait de graves difficultés, car il s’agissait de décider, entre les innombrables droits dont les citoyens étaient accablés, quels étaient ceux qui représentaient la servitude primitive, et même si, dans ce cas, il y avait toujours lieu d’abolir sans rachat, car, disait Merlin, le mainmortable doit-il se trouver dans une situation meilleure que le censitaire ? Le fait de dériver primitivement de la servitude doit-il nous faire acquérir une terre sans condition, tandis que le censitaire sera obligé de la racheter ? N’y avait-il pas aussi des cas où les droits de mainmorte s’étaient transformés avec le temps en censives ? Abolir toutes ces redevances sans indemnité, n’était-ce pas être juste avec injustice ? On voit combien de distinctions délicates et difficiles les juristes de la constituante eurent à considérer dans cette grande œuvre de la liquidation de la féodalité. Merlin reconnaît qu’il était presque impossible d’arriver à la perfection dans une œuvre aussi compliquée : mais il ne faut pas, disait-il, que « le désespoir du mieux empêche le bien. »

Voici quels étaient les principaux droits auxquels Merlin, avec la plupart des feudistes, attribuait une origine servile ou quasi servile : les tailles seigneuriales (distinctes de la taille royale), appelées aussi aides aux quatre cas ; ce sont les droits payés par les vassaux dans les quatre circonstances suivantes : lorsque le seigneur est armé chevalier ; lors du mariage de sa fille aînée ; lorsqu’il est fait prisonnier ; lorsqu’il fait un voyage d’outre-mer. À ces quatre cas s’étaient ajoutés, comme de juste, bien des cas complémentaires : noces du seigneur, couches de sa femme, acquisition de terre, etc. Ces sortes de droits doivent-ils être considérés comme serviles ? C’était une question débattue entre les juristes. On en distinguait de deux espèces : les tailles payées par les vassaux possesseurs de terres, et les tailles payées par les habitans du territoire sans possession de fonds. Les premières se rattachaient aux droits de justice, les secondes aux droits serviles : dans les deux cas, abolition sans rachat. Venaient ensuite : le droit de forage, appelé aussi droit de monéage, droit payé aux seigneurs pour racheter leur prétendu droit d’altérer les monnaies ; quoique Merlin compte cette taxe parmi les droits serviles, elle paraîtrait plutôt se rapporter aux droits de justice, — les droits de guet et de garde, prestation personnelle qui