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tous ces avis comme je pourrais faire des romans, et je me tiens plus assuré et plus persuadé que jamais de son amitié, et qu’il ne perd aucune occasion de s’employer adroitement à mon avantage… » De son côté, le coadjuteur, pour entrer dans le jeu du cardinal, lui envoyait par Pennacors mille protestations de dévoûment et d’amitié[1]. « La reine, écrivait Mazarin à M. de Pennacors le 10 février, a été très aise de ce que vous me marquez des sentimens et de la conduite de M. le coadjuteur. Ce n’est pas que sa majesté en doutât, puisque son honneur et son intérêt se rencontrent également à tenir la parole qu’il a donnée. Il se peut assurer que, de quelque malice que l’on se serve, on ne fera pas concevoir d’autres sentimens à sa majesté, et que, de son côté, elle demeure ferme pour l’exécution de ce qu’elle lui a promis, et à conserver une affection très particulière pour lui et ses intérêts… » Il s’agissait évidemment du chapeau du coadjuteur, et nous savons à quoi nous en tenir sur la sincérité de Mazarin. a S’il y a quelque chose d’importance, ajoutait celui-ci, et que M. le coadjuteur veuille faire savoir par une personne de la dernière confiance, je crois que vous voudrez bien en ce cas prendre la peine de faire le voyage[2]. »

Au fond, les sentimens de Mazarin pour le coadjuteur n’avaient jamais cessé d’être, ceux d’un implacable ennemi. Le même jour, il s’ouvrait sur la conduite de celui-ci avec la plus entière confiance au marquis de Noirmoutier, lieutenant-général et gouverneur du Mont-Olympe, qui y résidait en ce moment et qui avait trahi secrètement la cause du coadjuteur. Il se plaignait amèrement à Noirmoutier des manœuvres secrètes du prélat, ajoutant ce qu’il n’en avait été nullement surpris et que, depuis longtemps, il n’en attendait pas autre chose. »

À l’arrivée de Mazarin a Poitiers, Turenne et le duc de Bouillon vinrent lui offrir leur épée, et le marquis de Châteauneuf, chef du conseil, se retira fort dignement. Les armées du roi étaient partout Victorieuses. M. le prince, obligé de céder aux forces supérieures du comte d’Harcourt, avait été contraint d’abandonner la Saintonge et de se replier sur la Guyenne pour y continuer la lutte. One révolte qui venait d’éclater en Anjou et qui avait à sa tête le gouverneur de la province, le duc de Rohan-Chabot, avait été étouffée en moins d’un mois par le maréchal d’Hacquincourt, qui était entré dans Angers après trois semaines de siège[3].

Quelle était pendant ce temps la situation de Paris ? Le coadjuteur y avait rêvé, un peu trop tard pour que cette combinaison eût

  1. Mazarin à Pennacors, Poitiers, 2 février 1652. Archives du minist. des affaires étrang. Lettres de Mazarin, t. XXX.
  2. Archives du minist. des aff. étrang. ; France, Lettres de Mazarin, t. XXX.
  3. Mémoires de Turenne.