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coadjuteur que pour son affaire du chapeau et non dans l’intention d’ourdir quelque trame contre le roi ou le cardinal Mazarin. Il tenait, disait-il, de la princesse de Rossano que deux de ces courriers n’avaient été envoyés que pour dissiper certaines accusations de jansénisme contre le coadjuteur, semées dans Rome par quelques jésuites. « Le pape, ajoutait-il, avait feint d’en prendre de l’ombrage pour avoir lieu de différer la promotion ; mais le cardinal s’était tout à fait purgé de ces soupçons en abjurant, à ce qu’on prétend, le jansénisme par lettres expresses qu’il en avait écrites au pape[1]… »

A quelques jours" de là, le bailli se vit dans la dure obligation d’aller remercier le pape de la promotion du coadjuteur, et le pontife ne put contenir devant lui le mécontentement profond qu’il éprouvait du retour de Mazarin.

Tous les documens inédits que nous venons de produire prouvent donc jusqu’à l’évidence que le pape ne hâta la promotion des nouveaux cardinaux que dans la crainte de voir révoquer la nomination de Retz et dans l’espoir d’opposer à Mazarin un adversaire que la pourpre semblait devoir rendre inviolable. Personne dans Rome n’eut de doutes sur ce point. Le bruit y était partout accrédité que la promotion ne s’était faite que contrairement aux intentions de Mazarin et de la cour de France. Le bailli faisait de vains efforts pour donner le change à l’opinion.

Les mêmes bruits, avec des variantes, étaient répandus à Paris et même à la cour par les personnes les plus considérables. Est-il donc surprenant que le coadjuteur, au premier moment, les ait exploités à son profit ? Un des témoignages les plus importans est celui de la duchesse de Nemours, bien qu’elle mêle à son récit quelques circonstances fort inexactes : « On n’avait nommé, dit-elle, le coadjuteur au cardinalat que pour le tromper ; aussi ne fit-on pas grand scrupule d’envoyer quelque temps après un courrier pour révoquer la nomination ; pendant lequel temps le bailli de Gondi, averti par un autre courrier du coadjuteur, amusa celui de la cour et le retarda, sur le prétexte de le bien régaler. Pendant ces momens, il dépêcha en diligence vers le pape Innocent X, dont il connaissait la haine pour le cardinal Mazarin, et il manda à ce pontife que, s’il voulait faire le coadjuteur cardinal, il n’avait plus de temps à perdre, parce qu’il y avait un courrier à Florence qui allait à Rome pour y révoquer sa nomination. Le pape, qui considérait le coadjuteur plus comme un ennemi de Mazarin que par aucune autre raison, se hâta de lui donner le chapeau avant qu’on pût croire qu’il

  1. Le bailli de Valençay à Mazarin et à Brienne, 18 mars 1652.