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On parla de Vérig, qui s’était bénévolement fait l’exécuteur des basses œuvres de la commune ; on savait qu’il demeurait dans la Cité de l’Industrie, vaste ruche ouvrière située au point d’intersection de l’avenue Parmentier et de la rue de la Roquette. On alla chez lui ; il y était. On trouva ce terrassier tout pimpant, vêtu d’une cotte et d’une blouse blanches, rasé de frais, souriant et faisant bon accueil aux visiteurs. On le ramena à la prison ; son interrogatoire fut sommaire et son procès promptement expédié. On lui mit une camisole de force ; d’un coup de crosse dans les reins, on le poussa sur la route que les gens de bien tués par lui avaient parcourue, et, avec une précipitation déplorable, on fusilla cet homme qui savait tant de secrets. On privait ainsi la justice et l’histoire d’un témoin qu’elles n’ont pas remplacé.

François fut plus difficile à découvrir ; on le croyait parti et réfugié hors frontière. Il n’avait point quitté Paris. Semblable à un souverain détrôné qui vient la nuit rôder autour de son palais, l’ancien directeur du dépôt des condamnés hantait, pendant l’obscurité, les environs de la Grande-Roquette. Eheu ! quantum mutatus ! plus de ceinture rouge, plus de képi galonné, moins d’eau-de-vie et l’oreille basse. Il fut reconnu par une femme dans une de ces promenades philosophiques où il pesait sans doute le néant des choses humaines ; désigné à un sergent de ville, il fut suivi et arrêté au moment où il entrait dans un chantier de la rue des Boulets qui lui servait de gîte. Il fut deux fois condamné comme complice de l’assassinat des otages et du massacre de la rue Haxo. On peut apprécier son repentir par le passage suivant d’une lettre qu’il écrivit à l’un de ses codétenus : « Nous n’avons pas de juges, nous n’avons que des assassins ; le jour du châtiment vient à grands pas ; il sera égal à leurs crimes et à leurs forfaits. Je vous assure que, si le bonheur veut que je sois présent, je me régalerai, car je serai sans merci. » Le bonheur ne voulut pas qu’il fût présent. Il était impossible de faire grâce à un pareil homme ; on l’exécuta le 25 juillet 1872, sur le plateau de Satory.

Le jour même où les otages de la Roquette furent délivrés par les fusiliers marins, le dimanche 28 mai 1871, la commune expira comme elle avait vécu, dans le sang et dans la boue ; mais non sans avoir fait à la France une blessure profonde, plus dangereuse cent fois que celle dont l’Allemagne nous a frappés, car elle a atteint et pénétré les œuvres vives de la nation. La flèche était barbelée, elle est restée dans la plaie, qui tôt ou tard se rouvrira. Par un hasard étrange, la commune tomba là même où elle avait pris naissance ; semblable à un sanglier qui vient mourir au lancé, elle succomba aux portes mêmes de son berceau, au coin de la rue de la