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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/632

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de négoce, étaient tombés en notre pouvoir et avaient fait leur soumission. Personne ne réclama : l’empereur Tu-Duc garda le silence, et au milieu de la résignation, on pourrait presque dire de la satisfaction ressentie par tous, à la seule exception de ceux qui perdaient leurs places, ce nouveau fragment d’un empire brisé resta entre nos mains.

C’est ainsi que nos marins, à l’autre extrémité du monde, profitant d’une certaine liberté d’initiative que leur éloignement favorisait, réunissaient les élémens d’un établissement colonial d’outremer, où la France pourrait réparer toutes ses pertes anciennes. Cet admirable corps de notre marine envoyait successivement en Cochinchine des officiers-généraux remarquables par la science, l’expérience et le dévoûment, qui faisaient œuvre d’administrateurs et de diplomates, secondés par des agens recrutés dans le personnel de la flotte et de l’armée. Improvisés juges, percepteurs, comptables, magistrats de l’état civil, ils exerçaient honnêtement un pouvoir presque absolu là où les mandarins avaient avant eux pratiqué la prévarication la plus effrontée. Quand on se représente tous ces jeunes officiers, puisant dans le sentiment de l’honneur et dans la noblesse du cœur l’inspiration nécessaire pour gouverner avec prudence et habileté les provinces confiées à leur administration, on est disposé à se consoler de tant de succès de tribune où la fatuité et l’ignorance s’allient souvent et suffisent pour porter un discoureur au pinacle administratif dans la métropole.

La Basse-Cochinchine étant tout entière en notre pouvoir, il s’agissait d’en justifier la conquête non-seulement par la bonne direction de l’administration intérieure, mais par des recherches scientifiques propres à y attirer le commerce. On problème géographique était posé. L’annexion du territoire où se réunissaient les bouches du Mékong faisait une loi de reconnaître ce fleuve et de voir si son cours ne formerait pas un lien naturel entre les populations disséminées sur ses bords et celles dont nous avions pris charge en Cochinchine ; il fallait savoir où il conduisait et quelles nations il pourrait mettre en rapport les unes avec les autres. La Chine venait d’être ouverte, l’entrée du Japon n’était plus interdite, l’Indo-Chine restait encore fermée. Pour y introduire leur commerce, les Anglais avaient envoyé par Siam ou par la Birmanie des explorateurs avec la mission d’ouvrir par l’Indo-Chine une route terrestre vers les provinces occidentales de l’Empire du Milieu. Un officier de l’année britannique, M. Mac-Leod, avait vainement essayé d’effectuer ce voyage ; il n’avait pu le mener à bon terme. Un de nos compatriotes, M. Mouhot, était parti de France pour le compte des Anglais, avec la même pensée ; il avait péri sur les bords du Mékong, sans avoir pu remonter bien haut ce fleuve à la source mystérieuse, nymphe farouche