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l’Armorique, grande et belliqueuse confédération, et celui des Boïens joints aux Rauraques, alliés ou cliens des Éduens, cantons de médiocre importance, qui permet de la découvrir. On mêle ensemble des combattans originaires de pays éloignés les uns des autres, qui ne se connaissent pas, les Séquanes par exemple avec les gens de Saintonge, les Tourangeaux avec ceux du Vivarais, les Messins avec les Périgourdins, gens sans prétentions, mais qui, joints à leurs voisins, auraient pu former des groupes de taille à balancer la prépondérance éduenne. Restait, il est vrai, le formidable contingent des Arvernes, et l’esprit national qui dominait dans un rassemblement de ce genre devait a priori conspirer en leur faveur. Il y avait été pourvu par cette dislocation. Les Eduens et leurs partisans formaient la masse influente. C’est sur le territoire éduen que le rendez-vous général était fixé. C’est là que se distribuaient les grands commandemens. Les Éduens Virdumar et Eporedirix furent de nouveau mis à la tête d’un grand corps d’armée ; l’Arverne Vergasillaune, cousin de Vercingétorix, fut aussi promu à cette haute fonction ; l’Atrébate Kommen, jadis ami de César, depuis rallié sincèrement à la cause nationale, fut le quatrième grand chef. C’est à ses instances que les Bellovakes cédèrent en envoyant 2,000 hommes, mais non les 10,000 qu’ils auraient dû fournir et qu’ils avaient refusés. César met leur refus sur le compte de leur orgueil. Ils auraient déclaré qu’ils combattraient les Romains à l’heure qu’ils jugeraient convenable et sans se subordonner à d’autres (suo nomine). Serait-il téméraire de penser que les intrigues dont ils purent avoir connaissance leur ôtèrent l’envie de prendre part à une campagne dont ils auguraient mal ? César ajoute qu’à ces quatre généraux fut adjoint un conseil composé de chefs de cantons, devant exercer l’autorité suprême. Cette mesure était fâcheuse dans les circonstances. L’unité de direction, la subordination de toutes les volontés au grand but suprême s’imposait comme une condition indispensable de succès. On flaire encore là quelque manœuvre oligarchique, éduenne surtout. Ce n’est pas qu’avec M. Mounier nous allions jusqu’à accuser le parti oligarchique de trahison préméditée. Les calculs odieux des deux généraux éduens sont, il est vrai, trop bien attestés par César pour qu’on puisse les révoquer en doute ; mais aucun indice n’incrimine, à ce moment-là du moins, l’ensemble des nobles gaulois. Ils paraissent sincères dans leurs efforts pour chasser les Romains ; mais, — 1elle est la fatalité qui s’attache aux chefs d’armée qui mettent des arrière-pensées au niveau, si ce n’est au-dessus de leur devoir militaire, — nous allons les voir mollir au jour des résolutions décisives, craindre tout autant le triomphe éclatant de Vercingétorix que la victoire des Romains en un mot, et, conformément à certain