anglo-indienne les plus expérimentés dans la matière. Le général-major Browne eut la direction du train, le major Williams reçut en partage la surveillance des chevaux, le major Sartorius fit fonction de maître-de-camp, et le major Bradford fut chargé de la police. Détail curieux à noter, ces quatre officiers comptaient ensemble six bras seulement, — le général Browne et le major Bradford ayant chacun perdu un membre, le. premier dans la guerre de l’insurrection, le second dans une chasse au tigre. En Europe, un accident de ce genre mettrait fin à toute carrière publique ; mais dans l’Inde pareille aventure comporte moins de gravité, car l’habitude de s’en remettre aux indigènes pour tout ce qui exige un effort musculaire semble avoir fort simplifié le rôle des bras chez l’Européen.
A l’intérieur de chaque district, les administrateurs locaux, — dans chaque état indigène, le rajah, le résident et les principaux fonctionnaires, — sur chaque ligne, le directeur et l’ingénieur en chef venaient chercher le prince à son entrée dans leur ressort, le pilotaient durant son passage et finalement le remettaient aux mains des autorités voisines, qui l’escortaient à leur tour jusqu’aux limites de leur juridiction. On avait imprimé en outre, pour l’usage spécial de son altesse royale, une foule de notices et de résumés sur l’histoire, les races, les religions, les usages, les particularités scientifiques, les arts et les monumens de presque toutes les localités comprises dans l’itinéraire ; aussi jamais occasion ne fut-elle plus propice pour s’instruire dans l’état politique et social de l’Inde, sans s’astreindre à ces études approfondies qui supposent un long apprentissage des langues et des mœurs locales.
Partout des programmes minutieux établirent d’avance non-seulement l’heure et l’ordre des cérémonies, mais encore les faits et gestes des personnages qui devaient y jouer un rôle, à commencer par le prince lui-même. Pour recevoir tel rajah, son altesse royale devait s’avancer jusqu’à l’extrémité du tapis placé devant le trône ; pour tel autre, il ne devait pas dépasser le centre ; celui-ci avait des droits établis à une poignée de main, celui-là à un signe de tête seulement, ainsi qu’à un pas en avant. Tout ce cérémonial est solennellement fixé par traité. Et qu’on y fasse attention : un pas de moins, voilà peut-être un fidèle vassal transformé en mortel ennemi par une de ces blessures d’amour-propre que ne pardonnent pas les grands enfans couronnés de l’Orient. Naguère il n’en eût pas fallu davantage pour mettre une province à feu et à sang.
On conçoit que le principal souci du gouvernement anglo-indien se rapportât à la sécurité personnelle d’un hôte aussi précieux et par conséquent aussi exposé aux entreprises criminelles du fanatisme. Aussi la police fut-elle considérablement renforcée, et une surveillance active, combinée avec tant de tact qu’elle était presque