un petit morceau d’étoffe, en enveloppa la dent pour la montrer au prince. Évidemment il y avait peu de chose à voir, et, en l’absence de foi, rien à admirer ; aussi le prince, ayant dûment regardé, se retira-t-il avec tous ceux que leur devoir ne retenait pas dans le sanctuaire. Mais il est fort curieux de penser qu’un pareil objet puisse être tenu en vénération par tant de millions d’hommes, quelques-uns sans aucun doute vertueux et savans, répandus dans tout l’Orient et formant la population de grands empires en possession d’une certaine civilisation. »
le 10, nos voyageurs rentrèrent dans l’Inde par le port de Tutuorin, situé à la pointe méridionale de la péninsule. On y avait réservé pour le passage du prince l’inauguration de l’embranchement qui devait relier ce port à la ligne de Madras déjà ouverte jusqu’à Madura. Toute cette partie de l’Inde est un vrai paysage d’Arcadie, où des bouquets de palmiers et d’autres essences tropicales diversifient agréablement des plaines occupées à perte de vue par des cultures de sucre, de riz et de café. La population sédentaire qu’on y rencontre est tellement douce et docile que dans le district de Madura un personnel de sept Européens suffit pour garder et administrer 2 millions 1/2 d’indigènes. C’est également la terre promise des missionnaires, qui ne s’y heurtent ni au panthéisme scientifique des brahmanes ni au rigide monothéisme des mahométans, mais à des superstitions locales plus ou moins enfantines et grossières. Les missions catholiques surtout y ont obtenu de grands succès, faciles à expliquer par la pompe d’un culte qui parle aux yeux de ces tribus naïves. On sait d’ailleurs que Madura servit longtemps de centre à la propagande des jésuites. Ayant adopté le costume et même les mœurs des brahmanes, les révérends pères se firent passer pour des membres de cette caste respectée qui auraient con, serve à l’étranger la pureté des traditions primitives, et, bien que le saint-siège eût formellement condamné leur pieux stratagème, ils n’en continuèrent pas moins jusqu’à l’arrivée des Anglais à répandre autour d’eux, un catholicisme fortement mélangé de pratiques hindoues qui se retrouve peut-être encore aujourd’hui dans mainte famille du pays.
Madura mérite, à en croire M, Russel, la réputation que lui ont faite ses habitans d’être la plus charmante ville de l’Inde méridionale. Les rues, quoique non pavées, sont larges, plantées de palmiers et bien entretenues. C’est du reste la capitale d’un ancien royaume qui, suivant certains érudits, aurait envoyé des ambassadeurs à Rome sous l’empereur Auguste, et qui atteste encore aujourd’hui, par la splendeur de ses monumens, la prospérité ainsi que la culture un peu barbare de ses anciennes dynasties. On y remarque, entre autres, une pagode qui ne couvre pas moins de