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patriote ! C’étaient des hommes de cette trempe qu’il fallait à Vercingétorix. Quant à César, qui aime à faire ressortir sa clémence en maint endroit de ses Commentaires, il ne faut pas oublier qu’il fut souvent et atrocement cruel. Il fit pendre tous les sénateurs armoricains pour les punir d’avoir résisté à l’invasion de leur pays, il fit assassiner ou exécuter les chefs nationaux qui encoururent ses défiances, il fit égorger des villes entières et mutiler tous les habitans d’Uxellodunum (Puy d’Issolu) qui avaient osé prolonger la résistance. La clémence ne fut jamais chez lui qu’un moyen de parvenir à ses fins.

Du reste les défenseurs d’Alise, tout, en persévérant dans la résolution de tenir aussi longtemps que possible, n’adoptèrent pas le moyen sauvage qu’on leur conseillait ; mais ils eurent recours à une mesure presque aussi cruelle. Ils chassèrent de la ville tous ceux que l’âge ou la faiblesse empêchait de combattre. La population mandubienne qui habitait Alise fut rejetée hors des murs et dut se présenter au pied des retranchemens romains. Les malheureux demandaient en grâce qu’on les reçût comme esclaves et qu’on leur donnât à manger. César les fit repousser impitoyablement.

Enfin des mouvemens de troupes se dessinèrent sur les hauteurs qui bornaient l’horizon d’Alise. L’armée gauloise arrivait et les occupait en force. La confiance, la joie des assiégés fut au comble. Il ne s’agissait plus que de combiner une sortie vigoureuse avec une attaque des nouveau-venus. Ceux-ci brûlaient aussi du désir d’en venir aux mains, et il est certain que la position de l’armée romaine était fort périlleuse ; mais ici se pose un problème qu’on ne peut résoudre au moyen des seules données de César et qui va ressortir des faits eux-mêmes tels qu’il les expose.

Les chefs gaulois laissèrent leur infanterie.sur les hauteurs boisées et lancèrent leur cavalerie sur les positions extérieures des Romains. Aussitôt Vercingétorix sort d’Alise et se rend maître du premier fossé, qu’il couvre de claies, qu’il comble de terre, et sur lequel il tient bon, espérant qu’une trouée de l’autre côté lui fournira le moyen de se porter plus avant. La cavalerie gauloise en effet combat avec furie la cavalerie romaine. Elle est appuyée par des archers disséminés dans ses rangs et dont les jets méthodiques amortissent les charges romaines. César avoue que les siens firent des pertes sensibles et durent reculer. La tactique la plus élémentaire exigeait donc que des colonnes d’infanterie gauloise descendissent des hauteurs où elles se tenaient postées et attaquassent sur un autre point les positions ennemies. Il n’en fut rien. La cavalerie gauloise fut laissée à elle-même, se battit avec le plus grand courage, mais sans profit. Le soir vint, la victoire était douteuse,