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les ordres du général Drum. Le général Sheridan, qui était allé prendre la direction des opérations militaires contre les Sioux, reçut ordre de revenir en ramenant la plus grande partie de ses troupes, et de se diriger sur Cincinnati et Pittsburg. Des armes et des munitions furent mises à la disposition des maires de Baltimore, de Philadelphie et de New-York. La Pensylvanie fut déclarée en état de siège et placée sous la loi martiale ; il en devait être de même de la Virginie-Occidentale, de l’Ohio, du Maryland et de New-York, si l’ordre ne s’y rétablissait promptement. Enfin, tout fut préparé pour opérer une levée de 75,000 hommes ; mais, comme une pareille mesure aurait entraîné la convocation immédiate du congrès, l’exécution en fut différée jusqu’à une nécessité urgente.

Il était temps que le gouvernement fédéral prît des résolutions énergiques et fît connaître sa ferme détermination de mettre fin au désordre ; les administrations locales étaient hors d’état de faire face à la crise. Il devenait évident qu’une influence plus active, plus puissante et surtout plus générale que la Train men Union était à l’œuvre dans les grandes villes et dirigeait ces rassemblemens tumultueux qui faisaient fermer tous les ateliers et violentaient parfois les agens des chemins de fer eux-mêmes pour les faire mettre en grève contre leur gré. Il semblait qu’une puissance occulte et partout présente voulût contraindre tous les corps de métiers à une grève simultanée et provoquer une cessation générale du travail. les grévistes eux-mêmes se sentaient débordés et dépassés : ils étaient réduits à se défendre contre des auxiliaires qu’ils n’avaient point appelés. Un journal de Cincinnati publia une lettre d’employés de chemins de fer qui protestaient contre la fermeture violente des usines, comme n’étant pas de leur fait et comme de nature à compromettre leur cause. Malgré cette réclamation, deux meetings furent convoqués à Cincinnati par le comité local de l’Internationale, le premier pour une déclaration de sympathie en faveur des grévistes, le second pour protester contre l’intervention du gouvernement fédéral et inviter les travailleurs à prendre part à la lutte ; chaque fois l’estrade du haut de laquelle les orateurs parlèrent à la foule fut décorée de drapeaux rouges, et les discours eurent le caractère le plus révolutionnaire. Un meeting fut également convoqué à Saint-Louis du Missouri par le comité de l’Internationale : des délégués des trois sections y prirent la parole, chacun en sa langue, pour déclarer qu’il était du devoir des travailleurs de faire cause commune avec les grévistes. Les résolutions suivantes furent votées avec enthousiasme :

« Attendu que les ouvriers des divers chemins de fer de ce pays se lèvent en masse pour réclamer leurs justes droits ;