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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/791

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draconienne qui assimile à un délit et punit de peines très sévères le fait de préparer ou de seconder par une participation ou une assistance quelconque une grève dans le service des chemins de fer. Le gouverneur, M. Beddle, avait annoncé dès le début des troubles la ferme résolution de faire exécuter la loi ; il avait appelé sous les armes toutes les milices de ce petit état et fait occuper militairement les gares, les plus importantes afin d’assurer à tout prix les communications avec New-York et avec Philadelphie. Il réussit à empêcher tout désordre et tout acte de violence ; mais, le 23 juillet, un des coryphées de l’Internationale, Léander Thompson, accourut de New-York à Newark et y harangua un meeting général des associations ouvrières. Il s’éleva contre la conduite du gouvernement, qui n’offrait aux ouvrière d’autre remède contre la faim que la corde du bourreau ou les balles des soldats. C’était la faute des ouvriers si la tyrannie du capital durait encore ; ils n’avaient qu’à vouloir, ils n’avaient qu’à généraliser la grève pour créer une famine et avoir immédiatement raison de leurs oppresseurs. L’assemblée vota une série de résolutions tout aussi violentes que ce discours, flétrissant le congrès, la législature locale et les conseils municipaux comme les instrumens serviles des compagnies de chemins de fer et des ennemis du travail, protestant contre l’intervention des milices et déclarant que la cause des grévistes était celle de tous les ouvriers. La dernière résolution se terminait par cette déclaration : « La résistance à l’oppression est un devoir, l’abolition de la puissance de l’argent est une nécessité ; notre situation l’exige, nous la devons à nos enfans, et l’avenir approuvera notre conduite. » Le New-Jersey ne put résister davantage à la contagion qui avait gagné la région des mines. Le service fut interrompu sur la ligne de Trenton et Newark, et les communications entre New-York et Philadelphie se trouvèrent coupées.

Au même moment, on apprenait que, cédant à l’exemple et aux exhortations des grévistes américains, les agens du Canadien-Méridional, dont la ligne longe la rive supérieure du lac Érié, venaient de se mettre en grève et que la dernière voie de communication entre l’ouest et l’Océan-Atlantique était désormais fermée. Qu’allait devenir Chicago, centre du commerce des bois et des grains, s’il ne pouvait plus communiquer ni avec l’Europe ni avec New-York ? C’est à New-York que Chicago escompte son papier ; c’est de New-York qu’il reçoit les valeurs et les espèces avec lesquelles se soldent tous les produits agricoles de l’Illinois, du Michigan, de l’Iowa, du Wisconsin, et même d’une partie du Canada. Que de catastrophes commerciales pouvait entraîner le blocus financier de Chicago ! Le gouvernement fédéral recevait des autorités de cette ville et du général Drum, qu’il y avait appelé, les dépêches les