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personnelles. Il n’est pas permis de douter que la jalousie, l’orgueil, l’appétit sexuel, la méchanceté, l’esprit de dissipation et d’aventures, le penchant pour le vol et les liqueurs fortes, ne soient souvent des formes d’aliénation, sans trouble, au moins apparent, des facultés intellectuelles. Les exemples sont abondans, décisifs ; ils valent surtout par leur nombre et leur variété ; aussi, ne pouvant les rapporter tous, nous n’en citerons aucun.

Mais en lisant les ouvrages que nous signalons ici, on remarquera que ces cas vraiment pathologiques diffèrent toujours par quelques traits de ceux où la responsabilité subsiste. Tantôt c’est une inconscience absolue à l’égard du mal commis, tantôt c’est l’absence de tout motif raisonnable pouvant expliquer la conduite extravagante ou coupable ; ici la folie s’est révélée par un brusque changement de caractère en contradiction avec l’éducation, les habitudes, les dispositions antérieures du malade ; ailleurs elle se trahit par une telle obstination dans le pervers et dans l’absurde, que les expériences les plus dures, la perte de la fortune, de la santé, de l’honneur, la rupture des liens de famille, toutes conséquences qui, à l’état normal, amortissent d’ordinaire ou corrigent la passion, ne produisent plus le moindre effet. Enfin et surtout ces cas pathologiques attestent à peu près invariablement l’influence de l’hérédité : M. Trélat a pu la constater pour quarante-quatre des soixante-dix-sept observations que contient son livre. En présence de pareils faits et de pareils chiffres, on doit faire peser une lourde responsabilité sur ceux qui ne voient dans le mariage qu’une affaire d’argent, de convenances sociales ou même de sentiment. Que de maux irréparables, que de souffrances, de hontes et de ruines préviendrait un examen plus scrupuleux des singularités de caractère ou de conduite qui, aux yeux d’un aliéniste exercé, sont l’indice d’une de ces passions pathologiques ! Quelle importance ne devrait-on pas attacher aux antécédens héréditaires ! Et s’il était scientifiquement établi que l’influence de l’hérédité est aussi puissante et aussi constante qu’elle en a l’air, la loi n’aurait-elle pas jusqu’à un certain point le devoir d’intervenir en interdisant le mariage à ceux qui, dans l’hypothèse, ne pourraient transmettre à leur postérité qu’un organisme voué par avance et fatalement à la folie ?


III

Les grands criminels ne sont-ils que des fous ? C’est ici évidemment le point le plus grave de la question qui nous occupe.

L’étude psychologique des criminels constituerait, suivant certains auteurs, une branche importante de ce qu’on pourrait appeler la tératologie morale. Il y a des monstruosités dans l’ordre