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mais c’étaient des alliés peu sûrs et dont les manèges souterrains avaient grand besoin d’être surveillés. On en eut la preuve en 1866, lorsque, la paix étant signée et la colonie commençant enfin à respirer, la ville de Napier, dans la province d’Hawke’s-Bay, fut tout à coup attaquée par les indigènes. On chercha d’où pouvait venir cette attaque et l’on découvrit qu’elle devait, selon toute probabilité, être attribuée à l’influence d’un chef maori nommé Te-Kooti, qui s’était donné comme ami des colons anglais et qui sous ce couvert intriguait secrètement avec les Hau-Haus. Ce Te-Kooti fut pris et déporté avec trois cents de ses compagnons les plus influens aux îles de Chatham, dépendance de la Nouvelle-Zélande ; mais en 1868 il parvint à se rendre maître d’un schooner qui était à l’ancre et força le capitaine à le ramener avec ses hommes en Nouvelle-Zélande. Dès qu’on le sut débarqué on se mit à sa poursuite, mais la chasse, après avoir duré quatre ans, de 1868 à 1872, et avoir coûté au trésor colonial la somme énorme d’un demi-million sterling (12,500,000 francs), fut abandonnée comme ne pouvant aboutir, et, lorsque M. Trollope était en Nouvelle-Zélande, on discutait pour savoir s’il ne vaudrait pas mieux proclamer une amnistie générale dans laquelle il serait compris. Ce petit fait suffit pour indiquer quelle terreur véritable les Maoris inspirent aux colons.

D’ordinaire, on le sait, les Anglais ont peu d’indulgence pour les rebelles à leur autorité ; or en Nouvelle-Zélande la rébellion a été presque constante, et cependant on a peu entendu parler d’exécutions, et les plus grands coupables sont morts ou vivent encore au milieu des leurs sans avoir été punis ni quelquefois même poursuivis. Rauparaha, l’auteur du massacre de Wairau, après un exil de quelques années, est mort dans son lit, couvert par une amnistie, et nous venons de voir le cas de Te-Kooti. Le roi Tawkiao, fils et successeur de Potatau, tient encore aujourd’hui sur son territoire des régions du nord, dont l’accès est impossible à tout homme blanc, et le gouvernement colonial, quelque bonne envie qu’il puisse avoir d’en débarrasser la Nouvelle-Zélande, se garde d’aller attaquer dans ses solitudes cette majesté sauvage, mais qui n’a rien de risible ; il craindrait trop de rallumer des cendres mal éteintes et de provoquer un nouvel incendie. Autant qu’elle le peut, l’autorité coloniale substitue à l’emploi de la force les moyens politiques qui peuvent apprivoiser les Maoris et les rendre pacifiques par cupidité et sensualité. Lorsqu’une tribu montre quelque bon vouloir, on enrôle ses hommes, on en forme un corps de milice indigène, on leur distribue des vivres en abondance et une haute paie ; ainsi nourrie et vêtue aux frais de la colonie, la tribu se tient tranquille et rend même parfois quelques services. De ce nombre