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fonction de clergyman. De loin en loin, on sollicite une visite pastorale de l’évêque de la province sur tel ou tel point de son diocèse, on porte à la station tous les enfans nés dans les alentours, depuis un certain nombre de mois, pour que le baptême leur soit administré, et l’évêque fait en une seule séance une multitude de jeunes chrétiens à peu près comme nos conseils de révision font des soldats. Cet état de choses, disons-nous, n’est imputable qu’aux circonstances ; il n’en a pas moins un fâcheux résultat, celui de déshabituer le peuple de l’observance régulière des pratiques religieuses, et l’on sait combien chez le peuple, qui n’a pas les ressources des beaux esprits, cette observance se confond avec la religion même, surtout dans une église où le culte liturgique tient une grande place, et l’église anglicane est de ce nombre. C’est en partie sans doute pour obvier à ces difficultés qu’on a multiplié les sièges épiscopaux en Nouvelle-Zélande. Il n’y a pas moins de six évêques anglicans dans cette colonie, et comme les fidèles de l’église anglicane ne forment pas plus des deux cinquièmes de la population, cela donne à peu près 30,000 âmes par chaque diocèse. Ces sièges épiscopaux seraient donc de véritables sinécures si l’étendue des devoirs du pasteur n’était pas plutôt en raison de la dispersion de ses brebis qu’en raison.de leur nombre.

Pure de convicts comme elle l’était, et ne se trouvant rattachée au gouvernement de la mère patrie par aucune institution d’état, la Nouvelle-Zélande a eu le privilège de précéder toutes les autres colonies australiennes dans la jouissance de la liberté constitutionnelle. En 1852, douze ans seulement après la première installation, l’aménagement des affaires de la colonie fut remis aux mains des colons eux-mêmes par le gouverneur sir George Grey, dont le nom reste attaché aux deux événemens les plus importans de la jeune histoire de la Nouvelle-Zélande, l’établissement du régime constitutionnel et l’extinction des guerres maories. Cette constitution, très originale dans ses principales dispositions, suffirait pour assurer un ascendant marqué à la démocratie. Elle est, pour ainsi dire, à double fond et institue deux sortes de gouvernemens, un gouvernement général pour la colonie entière, et autant de gouvernemens particuliers qu’il y a de provinces, Le gouvernement général est semblable à celui qui a été établi dans les colonies australiennes, un gouverneur représentant la reine, un conseil législatif dont les membres sont nommés à vie par la couronne, et une chambre des représentans élue pour cinq ans. Par une disposition caractéristique de l’état de la colonie, les Maoris ont été placés sur le pied d’égalité avec les blancs pour l’exercice des droits politiques. On peut même dire qu’ils ont obtenu des droits plus étendus, car aucun blanc ne peut être élu par les districts maoris,