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constitutionnelle, » il faut entendre la conservation des grands principes sous lesquels vivent et se gouvernent tous les Espagnols, en d’autres termes un roi unique et une représentation nationale commune. » Les assistans se rangèrent à cette explication, et il resta établi que le texte de la loi n’attaquait en rien les bons usages et coutumes des provinces basques, qu’aucune contradiction n’existait entre le maintien des fueros et les principes fondamentaux de la monarchie. Quant à ces modifications dont parle l’article second, à bien en pénétrer l’esprit et la lettre, puisqu’elles ne doivent porter que sur l’indispensable et tourner elles-mêmes à l’avantage des Basques, il ne s’agit pas évidemment de détruire en leur principe les fueros les plus importans qui depuis des siècles constituent la vie politique et sociale du pays ; tout au plus, et avec leur assentiment, peut-on se permettre quelques corrections, telles d’ailleurs qu’ils les ont toujours admises, tendant à améliorer graduellement le régime foral selon le besoin des temps et les données de l’expérience. Le 16 novembre de cette même année parut un décret royal invitant les provinces basques et la Navarre à nommer chacune deux députés ou plus qui vinssent conférer avec le gouvernement en vue de la meilleure exécution de la loi. Ces commissaires se réunirent à Madrid dans les premiers jours du mois de mai 1840, Ceux de Navarre traitèrent séparément avec les ministres, et cet accord, converti en projet de loi et voté par les cortès et le sénat presque sans discussion, fut promulgué le 16 août 1841 ; la Navarre y perdait, comme nous l’avons vu, la meilleure part de ses fueros. Quant aux trois provinces, après de longs débats, comme on ne parvenait pas à s’entendre, le règlement définitif fut renvoyé à un moment plus opportun, et depuis lors il en a toujours été ainsi, quoique plusieurs hommes politiques, ministres ou autres, aient essayé à leur tour de trancher la question.

Entre tous les adversaires de fueros, il n’en est point à coup sûr qui ait montré plus de persévérance que don Manuel Sanchez Silva, sénateur du royaume. De taille plutôt petite que moyenne, l’œil pétillant, les lèvres fines, que plisse par momens un malicieux sourire, dans les gestes une exubérance et une agitation toutes méridionales, esprit ardent, caractère énergique, tel est l’homme au physique et au moral. Abondant comme un Espagnol et spirituel comme un Andalou, il joint à l’éclat et à l’agrément de la parole une rigueur dans le raisonnement, une netteté qui n’est qu’à lui. Il s’était promis de consacrer sa vie à faire rentrer les Basques dans la loi commune, il s’est tenu parole, et comme le vieux Caton, qui devant le sénat romain ne terminait jamais son discours sans rappeler aux pères conscrits le voisinage de leur