Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/940

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux métiers cette horde de cesantes faméliques, artisans de révocations, toujours prêts à renverser le ministère actuel pour revenir au pouvoir avec leur parti, qu’elle corrige son cadastre, qu’elle éclaire son budget, qu’elle organise sa police sur un meilleur pied, qu’elle fasse servir les fonds de l’état à des dépenses reproductives, qu’elle veille avec plus de soin qu’elle ne l’a fait encore à tous les services publics, aux progrès de l’agriculture, de l’industrie, du commerce, de l’instruction ; qu’elle cherche à devenir enfin une nation heureuse et prospère, et les provinces alors ne refuseront pas de partager la loi commune. Mais ce qui plus que tout le reste hâtera cet accord, c’est la conduite digne et sage des autorités chargées de représenter dans le pays basque le gouvernement central ; par leur réserve en effet, par leur esprit de douceur et de conciliation, elles pourront calmer bien des rancunes, dissiper bien des défiances, apaiser bien des craintes. On n’a pas oublié les recommandations que Pline le Jeune adressait à son ami Maximus, nommé gouverneur de l’Achaïe : « Songez, disait l’honnête et délicat écrivain, songez que vous êtes envoyé dans la province d’Achaïe, cette véritable et pure Grèce où la civilisation, les lettres, l’agriculture même, ont, dit-on, pris naissance ; songez que vous allez gouverner des cités libres, c’est-à-dire des hommes vraiment dignes de ce nom, des hommes libres par excellence qui, grâce à leurs vertus et à leurs mérites, par les alliances et les traités, ont su conserver le plus beau des droits que nous tenions de la nature. Respectez leur ancienne gloire et cette vieillesse même qui, vénérable chez les hommes, est sacrée dans les villes ; honorez leur histoire, leurs grandes actions, leurs fables mêmes. Ne blessez personne dans sa dignité ni dans sa liberté, que dis-je ? dans sa vanité. Souvenez-vous que c’est Athènes que vous allez voir, Lacédémone que vous devez gouverner ; leur enlever l’ombre et le nom de liberté qui leur restent serait de la dureté, de la cruauté, de la barbarie. » Est-ce vraiment des Grecs et des Romains qu’il s’agit, et ces conseils, où le bon sens s’exprime avec tant d’éloquence et d’autorité, ne s’appliquent-ils pas à merveille aux hommes et aux événemens d’aujourd’hui ?

Mais, si l’Espagne a tout avantage à une réconciliation complète et sincère, soutenir que les Basques n’y ont pas moins d’intérêt pourra paraître un paradoxe à leurs yeux : rien n’est plus vrai cependant. Supposons qu’à la première occasion, profitant des embarras de la mère patrie, ils veuillent rompre violemment les liens qui les unissent depuis tant de siècles à la couronne d’Espagne. Une tentative de ce genre ne rencontrera guère de sympathie en Europe ; l’attention ni le bon vouloir des gouvernemens ne s’adressent plus aujourd’hui aux petites nationalités, loin de là, et il est peu