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guerre la plus redoutable, et que cette idée propagée au dehors se traduise en défiances dont l’expression n’est pas toujours mesurée ?

C’est qu’il y a malheureusement un fait vrai. Non sans doute, le gouvernement n’est pas clérical d’intention ; mais il a pour amis, pour alliés, pour auxiliaires ou pour protecteurs des cléricaux qui font de la politique avec de la religion ou de la religion avec de la politique, et qui par leurs vœux, par leurs prétentions impérieuses, par leurs programmes, sont une menace incessante pour nos rapports extérieurs. Lorsque des évêques, et il y en a eu dans ces derniers temps, il faut le rappeler, se bornent à ordonner des prières et à écrire des pastorales pour engager impartialement leurs fidèles à faire leur devoir dans les élections en s’inspirant de leur conscience, ils sont dignes de respect. Lorsque des chefs de l’église font des mandemens électoraux et patronnent des candidats, en distribuant des instructions, des cantiques avec l’invariable refrain : « sauvez Rome et la France, » lorsqu’ils saisissent toutes les occasions de renouveler leurs croisades contre le gouvernement et le parlement italiens, lorsqu’ils agissent ainsi, qu’ils le veuillent ou qu’ils ne le veuillent pas, ils ne sont que des agitateurs compromettans. Ils ont toujours l’air de faire de la France le champion d’une politique qui n’est pas la sienne. Ils donnent à M. le président de la république un rôle que son nom de duc de Magenta désavoue. Ils créent des embarras incessans à notre diplomatie. On ne se dit pas au dehors qu’ils ne sont qu’une minorité même dans le clergé, qu’ils n’ont aucun pouvoir réel sur la direction de nos affaires extérieures ; on se dit tout simplement qu’ils ont le mot d’ordre du Vatican, que leur appui est accepté, recherché dans les élections françaises, et que, si la cause qu’ils soutiennent triomphait, ce serait le signal d’une réaction religieuse qui pourrait avoir des conséquences redoutables, à laquelle le gouvernement ne serait peut-être pas libre de se dérober. C’est là l’équivoque dangereuse avec laquelle il faut en finir parce qu’elle ne sert qu’à isoler la France, à l’entourer de suspicions et d’ombrages en donnant de trop faciles prétextes à ses ennemis, en provoquant des manifestations d’un autre genre qui risquent d’être elles-mêmes assez puériles ou fort exagérées.

Chacun, après tout, a ses embarras, ses esprits troublés, et s’il y a en France des cléricaux donnant parfois de fausses apparences à la politique de leur pays, il y a aussi au-delà des Alpes des hommes de peu de prévoyance et de peu de mémoire qui entraîneraient facilement l’Italie dans des aventures sous prétexte de la défendre contre des périls imaginaires. Jusqu’à quel point le voyage de M. Crispi à Berlin, ce voyage dont on a tant parlé, rentre-t-il dans cet ordre de manifestations intempestives, dissonantes, qui ne représentent pour sûr ni la vraie politique italienne, ni les vrais intérêts italiens ? Le fait par lui-même n’a rien d’extraordinaire. M. Crispi, président de la chambre des députés italienne, a rendu, à Berlin, à M. Beningsen, président de la chambre