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taire. Peut-être ne le peut-elle pas, et l’empereur Alexandre, qui reste en Bulgarie, qui semble profondément atteint dans sa santé, l’empereur Alexandre est probablement le premier à sentir la gravité de la crise. La Russie s’est engagée par passionnelle a cru marcher à la délivrance des populations chrétiennes et slaves. Elle n’a pas tardé à rencontrer des désillusions, au moins à en juger par des paroles sévères que le grand-duc Nicolas aurait, dit-on, récemment prononcées sur les Bulgares. Elle se sent pourtant liée par son programme, auquel elle aurait de la peine à renoncer ; elle se croit toujours assez forte pour le faire triompher par une seconde campagne. La Turquie de son côté a été attaquée, elle a eu des succès, elle a montré à tous les yeux une vitalité sur laquelle on ne comptait pas. Il est assez peu vraisemblable qu’elle se prêtât à une paix qui ne la laisserait pas dans l’intégrité de ses droits et de son indépendance, qui lui coûterait des concessions de dignité. Le sultan Abdul-Hamid, en tenant récemment à un Anglais le langage le plus sensé sur les projets de réformes politiques, administratives et financières par lesquels il espère relever son empire, le sultan Abdul-Hamid n’a pas déguisé sa résolution de ne terminer que par une paix sérieuse la « guerre injuste » qui lui est faite. Les prétentions restent face à face.

Malgré tout, sans doute, il n’y a point une impossibilité absolue. La raison politique, les intérêts de la Russie et de la Turquie elles-mêmes sont pour la paix, et les deux armées ont montré une bravoure, un dévouement faits pour dégager l’honneur militaire des deux empires. Si l’Europe peut trouver là une chance favorable, si elle croit le moment venu, c’est à elle de saisir l’occasion. La question est de savoir si, à l’heure qu’il est encore, l’Europe fait autre chose que des vœux pour que cette « surprise » dont a parlé sir Stafford Northcote devienne prochainement une réalité. La dernière entrevue de Salzbourg, où se sont rencontrés le prince de Bismarck et le comte Andrassy, ne paraît pas décidément avoir avancé beaucoup l’entente européenne ni même l’entente de l’Autriche et de l’Allemagne, au sujet de l’Orient. Elle a maintenu et confirmé tout au plus un certain accord général qui ne semble pas destiné à avoir des effets pratiques immédiats dans le conflit Turco-russe, qui n’est même peut-être pas une garantie absolue pour l’avenir. Évidemment la difficulté pour tout le monde est de trouver le point par où l’on pourrait saisir cette terrible affaire, et cependant il est très vrai que l’Europe tout entière est intéressée à chercher ce point. Ce qu’il y a en effet de grave, de perpétuellement dangereux, c’est que cette guerre d’Orient, en se prolongeant, ne finisse par susciter des incidens qui pourraient tout compliquer. On vient de le voir par cette sorte de mouvement populaire qui a éclaté dans les montagnes de la Transylvanie. En Hongrie, à Pesth, on fait ouvertement des vœux pour les Turcs, on illumine pour leurs succès et on accueille avec des ovations leurs