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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/105

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l’abaissement de la Prusse. C’est dans l’irritation de ses espérances trompées que Stockmar traçait les paroles de haine, — de haine loyale, patriotique, de haine pourtant, il l’avoue, — que nous avons été obligé de transcrire.

Il faut reprendre tout cela de plus près. Stockmar ne peut plus rester en repos à Windsor, écoutant les ministres, suivant les travaux du parlement, conseillant la reine, conseillant le prince, s’occupant même de l’éducation des enfans ; des intérêts trop graves, des questions trop pressantes le rappellent dans sa patrie. Du nord au sud et de l’est à l’ouest, toute l’Allemagne est en feu. La révolution accomplie à Paris le 24 février a été le signal des révolutions du 13 mars à Vienne et du 18 mars à Berlin. Dans le grand-duché de Bade, dans les duchés de Darmstadt, de Hesse-Cassel, dans le Palatinat, dans les royaumes de Bavière, de Saxe et de Hanovre, des insurrections éclatent. C’est comme une traînée de poudre. Le premier fait qui se dégage de ces agitations confuses, c’est que l’Allemagne démagogique répond à la France révolutionnaire, et les vainqueurs de Paris en poussent des cris de joie. Bientôt cependant d’autres idées apparaissent. Si les vainqueurs étaient mieux informés, ils n’auraient pas lieu de se réjouir. À l’imitation tumultueuse de la France succèdent des sentimens de défiance et de haine. Le principal résultat des révolutions de 1848 en Allemagne est le désir plus ardent que jamais de constituer contre nous l’union des peuples germaniques.

Cette idée de l’unité allemande, née des guerres de l’empire, avait subi bien des phases diverses de 1806 à 1848. Depuis les journées d’Iéna et d’Auerstædt jusqu’à la bataille de Leipzig, c’est surtout le sentiment d’une grande communauté nationale opprimée par Napoléon, sentiment irrité qui prépare les explosions prochaines, sans qu’il s’y mêle d’ailleurs la moindre vue sur la manière dont se réorganisera l’empire. Le vieil empire d’Allemagne, après mille années d’existence, a disparu de la carte politique entre Austerlitz et Iéna. Ce n’est pas cet empire qu’il s’agit de relever ; il était mon et bien mort, depuis cent ans au moins, le jour où l’empereur François II déclara simplement que ses destinées étaient finies. Nul ne le regrette, nul n’y pense ; on s’habitue seulement à concevoir l’espérance d’une future unité, espérance générale et vague à laquelle ne se rattache encore, soit au sud, soit au nord, aucune combinaison politique. Quand éclata en 1813 l’immense soulèvement national, il n’y eut en jeu que le sentiment de la communauté, le sentiment de la grande patrie embrassant les patries particulières. Quel serait le chef de cette communauté ? Le roi de Prusse ? l’empereur d’Autriche ? L’opinion publique ne s’inquiétait pas de cette question, elle allait au plus pressé et ne songeait qu’à