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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/204

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domaine propre. E)le peut, sans en sortir davantage, reconnaître au sein de l’activité psychologique des élémens supérieurs à l’expérience, les affirmer, déterminer leur relation avec les faits de l’âme, passer des faits et de leurs lois au principe métaphysique des faits, démontrer l’existence des formes et catégories de l’entendement, l’innéité de certaines inclinations, la causalité libre du moi : elle ne cesse pas pour cela d’être la science de l’inétendu ; elle ne sort pas de ses limites nécessaires, ou du moins ce n’est pas au nom de sciences dont l’objet n’est pas le sien et n’est pas supérieur au sien qu’on peut lui refuser le droit de passer des spéculations dites positives aux spéculations métaphysiques.

Il n’en est pas de même de l’anatomie du cerveau ; l’essor lui est défendu ; elle ne s’élèvera aux lois qu’en perdant son nom, sa méthode, la sûreté de ses recherches ; il faut qu’elle devienne une physiologie, qu’elle passe de l’observation palpable, évidente, à l’hypothèse aventureuse, qu’elle scrute, non plus le cadavre, instrument inerte et docile, mais le malade, être vivant qui réagit, chaos de phénomènes complexes et obscurs, mystère plein de contradictions. Pour se reconnaître dans ce labyrinthe, il faut à la science du cerveau, comme fil conducteur, un programme de recherches bien formulé, aussi précis et rigoureux que possible. Ce programme, la psychologie le lui fournit, ou, pour mieux dire, c’est la psychologie elle-même. L’inconnue, c’est la fonction cérébrale en tant que cérébrale, en tant que représentable sous la forme du cerveau en fonction, sous forme étendue et visible. Or cette fonction, la psychologie l’a étudiée sous une autre forme, forme donnée à notre conscience et que nous connaissons immédiatement, sous la forme d’une succession de faits inétendus. Le problème physiologique est donc de trouver la formule cérébrale de tout fait de conscience et de toute loi établissant entre des faits de conscience une connexion naturelle dans la durée. Pour poser un problème de ce genre, pour en avoir même l’idée la psychologie est nécessaire.

La physiologie du cerveau demande donc une double base, l’anatomie d’une part, comme toute étude physiologique, puis la psychologie. Sans une connaissance préalable de la psychologie, la physiologie du cerveau est impossible ; elle n’a ni méthode, ni données.


II

A ceux qui lui ont déjà fait ces objections, nous imaginons que M. Luys a dû répondre, comme Galilée : « E pur si muove. J’ignore la psychologie et les psychologues ; je fais plus, je les dédaigne, et pourtant j’ai fait une physiologie du cerveau ; mon œuvre