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de la candidature officielle, il a dédaigné l’état de siège, les suppressions sommaires de journaux, il a mené mollement la campagne, il a eu des scrupules ! Encore une dissolution et des élections mieux conduites, la victoire est complète. M. le maréchal de Mac-Mahon l’a dit, il ne reculera ni ne se retirera devant la démagogie ; il est lié d’honneur, il s’est engagé pour les amis qui l’ont soutenu, pour les fonctionnaires qui l’ont servi et qui se sont compromis. Il ne peut plus céder, même devant la manifestation légale de l’opinion. Il a pour lui l’armée, l’administration, le sacerdoce, la magistrature : qu’il aille jusqu’au bout, — sans doute jusqu’aux coups d’état et à la dictature ! Qui sait même si autour du maréchal il n’y a pas d’habiles politiques s’efforçant de lui représenter les plus simples conseils de transaction comme l’œuvre de quelque intrigué mystérieuse destinée à le livrer et à le supplanter ? — D’un autre côté, on n’y met pas plus de mesure ou de façons. Que parle-t-on de transaction possible et de ministère de conciliation ? Il est trop tard. Les rétractations du 16 mai et les retours à des conseils plus modérés ne seraient plus que de vains palliatifs. Ce n’est plus une question ministérielle, c’est une question gouvernementale. M. le président de la république s’est jeté dans la mêlée, il a livré son irresponsabilité constitutionnelle en mettant son autorité aux voix, il a été battu, le pays s’est prononcé. Partie jouée, partis perdue, le joueur n’a plus qu’à se retirer. Toutes les garanties seraient désormais illusoires. Ainsi ne cessent de parler ceux qui se croient autorisés à jouer le sort de la France dans un duel d’ambitions et de ressentimens implacables.

Non assurément, à travers toutes ces excitations contraires et ces brutales alternatives de capitulation ou de dictature, de soumission ou de démission, l’issue n’est pas facile à trouver. Et cependant il le faut ! il faut de toute nécessité que d’ici à quelques jours il y ait non-seulement une solution quelconque, mais une solution pacifique, constitutionnelle, suffisamment amiable, tirée des circonstances et de la situation. Il le faut parce que, quelles que soient les ardeurs d’une lutte électorale et quel que soit le vote résumé dans un chiffre, il y a un sentiment public devant lequel les hommes de toutes les opinions, gouvernement et partis, ont aujourd’hui une lourde et décisive responsabilité. Ils sont tous ministres, candidats au ministère, sénateurs, députés ; ils pouvaient rester des hommes privés, ils ont brigué un rôle et l’influence : nous avons bien le droit d’attendre d’eux qu’ils ne se laissent ni arrêter par une difficulté, ni surprendre par l’imprévu. S’ils ont des concessions, des sacrifices à faire, ils nous les doivent, ils les doivent à l’intérêt public, et qu’ils sachent bien que, si les uns ou les autres donnaient un signal de violence, de mauvaise volonté ou d’insuffisance, ils auraient mérité toutes les sévérités de l’opinion ; ils seraient tenus pour des coupables ou des incapables. Le pays, quant à lui, a voté librement, il n’a pas