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à tous les nécessités d’un ordre supérieur dont ils seraient les mandataires, il ne faudrait pas désespérer de les voir réussir. Et qu’on remarque bien que, ce premier pas fait, un ministère reconstitué dans ces conditions, la situation à demi détendue, le reste se simplifierait, le gouvernement de combat aurait cessé en haut, il devrait cesser partout, à tous les degrés.

En dehors de ceci, il est clair qu’aucune combinaison parlementaire n’est possible. Celle qui aurait la faveur décidée d’une chambre n’aurait pas l’appui de l’autre chambre. Il n’y aurait plus d’autre ressource, — et au point où en sont les choses, avec toutes les difficultés ou les impossibilités qui se sont accumulées, elle serait à considérer, — il n’y aurait plus d’autre moyen que de recourir à une combinaison d’un ordre spécial, à un ministère neutre, indépendant des partis. Ministère d’affaires, c’est un mot de circonstance dont on se sert assez souvent pour désigner un cabinet subalterne, effacé, composé de modestes comparses sans responsabilité, et ce ne serait aujourd’hui qu’un expédient sans valeur, sans efficacité. Il faut autre chose. Pourquoi M. le maréchal de Mac-Mahon ne s’adresserait-il pas tout simplement à quelques-uns des chefs des grands corps publics, à M. le président du conseil d’état, à M. le premier président de la cour de cassation ou de la cour d’appel de Paris, à quelque ingénieur éminent pour les travaux publics, à un administrateur d’élite, comme il y en a, pour les finances, à un des chefs supérieurs de l’enseignement public ? Ces hommes seraient probablement assez peu disposés à accepter du premier coup, tant que d’autres combinaisons seraient possibles ; ils ne reculeraient pas sans doute devant une nécessité pressante le jour où on leur demanderait leur concours comme un acte de dévoûment. L’essentiel serait que ce ministère, au lieu de paraître accepter un rôle diminué, eût au contraire un sentiment élevé de sa mission et qu’il ne craignît pas d’exposer sans détour aux chambres la raison de son existence. La chambre des députés elle-même comprendrait des hommes qui, avec la responsabilité de leur caractère et de leur position, pourraient lui dire : « Nous ne venons pas devant vous pour représenter un échec à votre dignité et à vos droits, qui restent entiers ; nous ne venons pas non plus vous porter la capitulation du pouvoir exécutif et d’une autre assemblée. Étrangers à tout ce qui a créé cette situation difficile que vous connaissez, que nous n’avons pas à examiner, nous vous portons la paix entre les pouvoirs par la garantie inviolable de la république et de la constitution, par l’assurance d’une impartiale expédition des affaires. Quand vous ferez des lois, nous les exécuterons, notre concours vous est acquis. Notre politique est d’administrer le pays par la légalité et dans la légalité. Nous sommes les gérans sérieux et dévoués d’une trêve nécessaire pendant cette année, ou la France a besoin de paix pour le