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deux bâtimens, placés l’un près de l’autre, et qui contiennent chacun plusieurs pièces. On a voulu y voir deux bibliothèques, une grecque et une latine, comme il y en avait dans les maisons des gens riches, surtout dans les palais impériaux. La seule raison qu’on ait eu de leur donner ce nom, c’est qu’ils sont orientés d’après les règles de Vitruve qui veut que les livres reçoivent la lumière du matin. Au-dessus de l’un de ces bâtimens s’élevait une tour à trois étages, qui peut avoir servi d’observatoire à un prince qui se piquait d’être astrologue. M. Daumet suppose que tous les édifices qui avoisinent les bibliothèques doivent avoir servi à l’étude, et il est tenté de croire que cette partie de la villa est celle que Spartien appelle le Lycée.

De la plus grande des bibliothèques, on passe par un couloir dans une salle qui est peut-être la plus curieuse.de toutes celles qui restent de la villa d’Hadrien. Les fondations en sont assez bien conservées pour qu’on en puisse rétablir le plan sans trop de peine. Autour d’un portique circulaire, soutenu par des colonnes de jaune antique, coule un de ces petits ruisseaux que les anciens nommaient des euripes. Le canal, revêtu partout de marbre blanc, a près de 5 mètres de large et un peu plus de 1 mètre de profondeur. L’espace qu’il entoure forme une espèce d’île reliée au portique extérieur par quatre petits ponts de marbre qui se coupent à angle droit. Par un caprice qui n’est pas sans grâce, au centre de l’île ronde s’élevait une salle carrée, couverte par une de ces voûtes que les architectes d’aujourd’hui nomment arc de cloître. De petites chambres arrondies, des niches ouvertes sur l’euripe et qui devaient contenir des fontaines, occupent les segmens qui s’étendent entre la forme rectangulaire de la salle et la forme circulaire du canal. Rien n’est plus original ni plus agréable à l’œil que toutes ces combinaisons ingénieuses. La salle elle-même devait être d’une grande richesse. On y a trouvé des fragmens des marbres les plus précieux, de nombreux débris de colonnes, des bas-reliefs qui représentent des monstres marins, des Tritons, des Néréides, de petits Amours montés sur des hippocampes. Quelle pouvait être la destination de ce bel édifice qu’on avait construit avec tant de soin et de recherche ? Jusqu’ici l’opinion la plus vraisemblable a paru celle de Nibby, qui l’appelle natatorio et en fait une sorte de piscine. Cette opinion soulève pourtant beaucoup d’objections. Il semble qu’une piscine véritable devrait avoir plus d’étendue et une autre forme, et qu’il ne serait guère commode de nager dans un canal si peu profond. J’aime mieux croire que l’important était la salle carrée, et que l’euripe ne servait ici que de décoration et d’agrément. On sait que les Romains aimaient à placer dans leurs appartemens des fontaines jaillissantes, et que leurs maisons de campagne surtout en