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qu’il avait donnée d’être de ses amis, qu’il avait résolu de monter à cheval et de se rendre à Orléans, ce qu’il fit en effet.

Richelieu était inquiet dans son triomphe ; il croyait ou affectait de croire qu’il n’y avait pas de sûreté pour sa personne à hanter dans la maison de la reine mère ; « on me fera périr quand on voudra, sans que je puisse l’éviter, » disait-il à Vautier, le médecin de la reine, qui cherchait à s’entremettre entre sa maîtresse et le cardinal. Il savait qu’après la journée des dupes Marie de Médicis s’était enfermée secrètement au Val-de-Grâce avec le marquis de Mirabel, ambassadeur d’Espagne, que ce dernier avait offert de l’argent à Monsieur pour lever des troupes. Le roi, sur le conseil de son ministre, alla à Compiègne, où sa mère le suivit ; puis il partit précipitamment, en donnant ordre au maréchal d’Estrées de garder toutes les issues du château et de la ville, et de convier Marie de Médicis à prendre la route de Moulins. Le roi, en quittant Compiègne, s’arrêta à Senlis, et de cette ville écrivit à sa mère pour lui faire connaître ses volontés. Voici dans quels termes Richelieu annonçait cet événement au cardinal de Lyon : « C’est avec un sanglant et indicible regret que je vous donne avis du conseil que le roy s’est trouvé obligé de prendre à Compiègne, de supplier la reyne sa mère d’aller pour quelque temps demeurer à Moulins. Je voudrais avoir peu racheter de mon sang la nécessité de ce conseil… » Richelieu explique longuement que la reine mère n’a pas voulu s’associer aux résolutions qu’on voulait prendre contre Monsieur, et que sa présence, n’étant plus utile à la cour, ne pouvait qu’être préjudiciable. Dans une note écrite de la main même du cardinal, on lit : « On soupçonne non sans grand raison que la reyne est grosse. Si ce bonheur arrive à la France, elle le devra recueillir comme un fruict de la bénédiction de Dieu, et de la bonne intelligence entre le roy et la reyne sa femme depuis certain temps que personne n’y met plus d’obstacles et que les Espagnols n’ont plus tant de fréquentation en sa maison qu’ils avoyent auparavant, » insinuation qui est visiblement dirigée contre Marie de Médicis. Celle-ci avait refusé de quitter Compiègne ; elle y était en réalité captive, bien qu’on lui permît de sortir et de se promener. Monsieur, retiré à la cour de Lorraine, écrivait à son frère des lettres où il l’accablait de reproches. Louis XIII ne pouvait vaincre l’entêtement de Marie de Médicis ; celle-ci tenait à paraître prisonnière, elle ne voulait pas être trop loin de Paris ; on lui envoyait ambassadeur sur ambassadeur : elle refusa le séjour de Nevers comme celui de Moulins, elle refusa le gouvernement d’Anjou et le château d’Angers. Pour la calmer, on fit retirer les troupes qui étaient dans Compiègne ; elle pleurait, elle se plaignait à son fils qu’on ne fit rien que a pour