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marquise du Fargis dame d’honneur de la duchesse d’Orléans, malgré les protestations de celle-ci. Marie de Médicis, dégoûtée et enfin vaincue, comprenant qu’elle n’obtiendrait rien du roi si elle ne s’adressait au cardinal, se décida enfin à une démarche que son orgueil avait jusque-là obstinément repoussée. Résolue à traiter, elle ne fit pas les choses à demi, elle avertit loyalement le roi d’Espagne, elle avertit aussi ses deux gendres, le roi d’Angleterre et le duc de Savoie ; elle envoya à Paris un gentilhomme, M. de La Leu, avec des lettres pour le cardinal. Le père Suffren, qui avait l’estime de Richelieu, lui écrivit de son côté ; Chanteloube, haï du cardinal, consentait à être exclu du traité. La reine ne faisait aucune condition, elle capitulait, tirant encore quelque grandeur de l’excès même de son humiliation.

Richelieu ne se laissa point fléchir : eut-il tort ? eut-il raison ? L’exil semblait peut-être un châtiment trop doux à celui qui avait fait tomber tant de têtes illustres ; il était de ceux qui expriment de la victoire tout ce qu’elle contient et qui ne fournissent jamais d’armes contre eux-mêmes. « Il connaissait trop bien la reine, dit M. Henrard, pour supposer qu’elle renonçait à jamais à la lutte, et à l’espoir de regagner un jour l’influence qu’elle avait un moment possédée. Il se souvenait d’avoir assisté, après la mort du connétable de Luynes, à ses patiens et persévérans efforts pour ressaisir, le pouvoir et pour se rendre maître de l’esprit du roi ; il avait été alors son complice, il avait lu jusqu’au fond de cette âme italienne, il savait ce dont elle était capable. Il prévoyait que, rentrée en France, désarmée et vaincue, elle était bien plus à craindre qu’elle ne l’avait jamais été à Paris, révoltée et violente ; si éloignée de la cour qu’elle fût, qu’un rapprochement était toujours possible entre elle et le roi, et que, dans toute entrevue entre le fils et la mère, l’émotion d’une telle rencontre, le souvenir d’une mutuelle et ancienne affection, ouvraient la porte à l’inconnu. » Richelieu ne voulut rien modifier au programme qu’il avait eu l’habileté de faire tracer par le conseil ; Louis XIII déclara à M. de La Leu que sa mère recevrait tous les contentemens qu’elle pouvait désirer, sitôt qu’elle aurait livré à la justice royale Chanteloube, Saint-Germain, il nomma aussi le Florentin Fabroni, astrologue, qui, « par de vaines prédictions, avait mis sa vie en compromis dans l’opinion publique. » Richelieu osa même écrire à la reine et au père Suffren des lettres où il faisait clairement comprendre qu’il ne croyait pas à la sincérité de son ancienne protectrice. Son esprit, froid comme un poignard, son cœur, fermé à la pitié, ne servaient point sans doute une haine vulgaire ; il ne fut point touché du plaisir qu’un autre aurait pu éprouver en faisant grâce à la mère de son roi ; il ne voyait en elle qu’un péril pour sa toute-puissance, qu’il avait