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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/372

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ses gardes tudesques, entouré des gildes ; après avoir été à Sainte-Gudule, il se rendit au palais de la reine mère, qui vint le recevoir jusque dans l’antichambre. Elle le complimenta sur « sa singulière et si grande victoire, » et se félicita de ce qu’il venait lui rendre tout ce qu’elle avait perdu par la mort de l’infante Isabelle. Le cardinal-infant n’était pas homme à se préoccuper outre mesure des querelles du parti français et du parti lorrain, car la sœur de la duchesse d’Orléans, la charmante princesse de Phalsbourg, était à la tête d’un parti d’émigrés hostile à la reine mère : il se préparait à la guerre contre la France, qui devenait imminente. Richelieu se décida enfin à jeter le gant à l’Espagne ; un héraut d’armes, vêtu d’une cotte violette semée de fleurs de lis, et portant les armes de France et de Navarre, vint à cheval à Bruxelles avec un trompette, et apporta la déclaration de guerre : peu de jours après, tous les Français reçurent ordre de quitter Bruxelles, excepté la reine, la duchesse d’Orléans et leurs suites. On pria bientôt Marie de Médicis de retourner à Anvers, à l’abbaye Saint-Michel, sous prétexte que ses gens n’étaient plus en sûreté dans la capitale. Pendant la guerre, la reine resta tranquillement à Anvers, protégée par les fortifications de cette place ; elle y fut reprise des accès de la fièvre intermittente qui l’avait tourmentée à Gand, mais cette fois le roi de France ne dépêcha pas auprès d’elle, bien qu’après la malheureuse campagne de Flandre elle eût écrit à Louis XIII pour s’offrir comme médiatrice. Ayant appris que le pape avait offert sa médiation et envoyé dans cette intention Jules Mazarin comme nonce à Paris, elle écrivit au saint-père la lettre suivante : « Le principal dessein que le cardinal de Richelieu a eu dans la révolte, qu’il tenait infaillible, des Pays-Bas a esté de nous perdre ; ce qui fust arrivé, si Dieu ne nous eust préservé de ce péril en favorisant les armes du roy d’Espagne, notre beau-fils, sous le commandement de notre neveu, l’infant-cardinal, qui, s’estant porté avec tout le courage et la résolution que l’on se pouvait promettre d’un prince si généreux, a forcé ceste armée victorieuse de cinquante mille hommes à se retirer des portes de Bruxelles, et dans sa retraite ayant assiégé Louvain, l’a aussi contraincte de lever le siège, tellement qu’elle est maintenant réduite à un si petit nombre qu’il est impossible qu’elle puisse seurement sortir de ce pays que par mer. Ce succès, si éloigné des attentes du cardinal de Richelieu, nous donne lieu de respirer. Et nous pouvons assurer votre sainteté que, nonobstant toutes ces précautions que nous avons souffertes, jusques à cette heure, nous n’avons point diminué l’affection que nous avons pour le roy, notre honore seigneur et fils. Car la connaissance que nous avons du fond de son âme nous fait croyre que, si l’on ne luy déguisait point l’estat des affaires, il eust plus tôt consenti à sa mort qu’à une guerre si