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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/421

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reçue à Nantes en 1875 a été de 60,000 tonnes de 1,000 kilogrammes, dont les cinq sixièmes en sucre de canne et le reste en sucre de betterave. La quantité importée a décru en 1876 et n’a été que de 55,000 tonnes, tant par suite de la disparition dans un incendie d’une des plus grandes raffineries nantaises, qu’à cause des incertitudes où se trouvent les raffineurs au sujet de la nouvelle taxe proposée, mais non encore adoptée sur les sucres. Tous ces remaniemens, trop souvent répétés, troublent l’industrie sucrière, en limitent l’essor. Cette malheureuse question des sucres, sans cesse remise à l’étude, n’est jamais résolue. On cherche à satisfaire à la fois l’industrie indigène du sucre de betterave, l’industrie coloniale du sucre de canne, qui sont des industries productrices, et celle de la raffinerie, qui n’est qu’une industrie de transformation, et l’on ne voit point que le sucre retiré du tubercule comme celui qui provient du roseau est un seul et même produit, où la chimie elle-même ne voit aucune différence quand il est raffiné. Le sucre n’est point, dans l’un et l’autre cas, une matière première destinée à être modifiée, dénaturée, mais un produit immédiatement commerçable et utilisable. Il pourrait arriver à la consommation sans passer par la raffinerie. Que d’erreurs entassées sur cette question, que de fautes commises, sous le prétexte fallacieux de protéger à la fois l’agriculture, l’industrie de la betterave et la marine marchande ! Maintenant que l’antique pacte imaginé par Colbert est déchiré et que nos colonies, reconnues majeures, indépendantes de la métropole, ont encore plus à lutter qu’autrefois, il serait temps de revenir à des erremens plus raisonnables. Imposer les sucres d’après les couleurs et les types, à la manière hollandaise, autorise des fraudes formidables. On proposait récemment, dans la dernière enquête tenue en France à ce sujet, de les imposer d’après la richesse saccharine, comme on impose les spiritueux d’après leur richesse en alcool. Il serait peut-être plus simple de frapper le sucre d’un impôt unique, comme le tabac, le poivre, le café. Il serait bon aussi de diminuer enfin le chiffre de cette taxe, car plus on élève l’impôt, plus la consommation du produit taxé diminue, moins nos champs et nos usines en produisent, et moins nos places de commerce en importent. L’Angleterre, où l’impôt sur le sucre est nul, consomme quatre fois plus de sucre que la France, 28 kilogrammes par tête d’habitant et par an, et nous seulement 7 kilogrammes ! Pour une population totale qui dépasse 33 millions d’habitans, la consommation annuelle du Royaume-Uni atteint ainsi 1 milliard de kilogrammes, de quoi charger 1,000 navires de 1,000 tonneaux chacun I C’est là ce qu’on ne voit pas chez nous, et ce qu’il serait temps enfin que vissent les commissions nommées si souvent à cet effet pour régler en France la question des sucres, et