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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/457

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malheureusement toujours beaucoup dans les démocraties ; ce ne peut être celui de tout homme réfléchi, qui sait bien que plus il y a de richesse dans un pays, meilleure est la situation de chacun. Par conséquent, l’impôt progressif, en même temps qu’il est violent, injuste et arbitraire, est aussi antiéconomique ; il paralyserait, comme l’a très bien dît l’illustre Rossi, la marche de la fortune publique.

Déjà, quand on applique l’impôt proportionnel dans toute sa rigueur, on fait quel que chose d’excessif au point de vue économique. Pour en revenir à ma comparaison de tout à l’heure : si j’entre dans un magasin et que j’achète 1,000 mètres d’étoffe, non-seulement le marchand ne me les vendra pas plus cher qu’à celui qui n’en achètera que 1 ou 2 mètres, mais il me fera une concession sur le prix, qu’il ne fera pas à l’autre acheteur ; la raison en est toute simple, je ne lui occasionne pas un supplément de frais en rapport avec l’importance de mon acquisition. En me faisant cette concession, il gagnera encore plus avec moi qu’avec celui qui n’achète que 1 ou 2 mètres. De même pour les transports. On avait voulu à un moment proscrire les tarifs différentiels que les compagnies de chemins de fer appliquent aux transports à grande distance, ou par fortes quantités ; on les considérait comme une violation de ce principe de l’égalité qui veut que les petits soient traités comme les gros, et l’on proposait l’unité kilométrique et l’unité de tonnage comme base de la perception. On a été bien vite obligé d’y renoncer : c’était le renversement de toutes les lois commerciales. Si on eût admis l’unité par kilomètre et par tonne comme base des tarifs, il serait arrivé que les petits auraient payé plus cher qu’ils ne paient aujourd’hui. Ce sont les tarifs différentiels qui amènent les gros transports, et les gros transports qui permettent aux compagnies de chemins de fer de consentir des réductions au profit de tout le monde. Sans les tarifs différentiels et les gros transports, les compagnies gagneraient moins et seraient moins en état de faire des concessions. Un abaissement de prix correspondant à la diminution des frais qu’on occasionne, telle est la loi générale du commerce ; elle est équitable et favorise le progrès économique. Pourquoi ne l’applique-t-on pas en ce qui concerne l’état ? il est bien évident pourtant que celui-ci ne dépense pas cent fois plus pour assurer la sécurité et la protection de celui qui a 100,000 livres de rente que pour procurer les mêmes avantages à celui qui n’a que 1,000 francs. On ne l’applique pas parce que, je le répète, les services rendus par l’états nt d’une nature toute particulière, et qu’il est difficile d’apprécier la part qui en revient à chacun. Mais si le gouvernement ne crée pas une échelle d’impôt décroissante en raison de l’étendue des services qu’il rend, qu’on n’aille pas au moins lui demander d’en