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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/626

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depuis plusieurs années avec lord John Russell, sur le désir exprimé par la reine ; la reine avait demandé que toutes les dépêches du foreign office passassent par les mains de lord John avant de lui être remises. Le premier ministre ne pouvait pas être aussi bien informé que le ministre au département duquel ressortissaient les affaires en question. Pour lui, il avait toujours été prêt à donner des explications ou à se rendre au palais à toute heure, mais il n’avait pu savoir d’avance s’il serait reçu ou s’il ne paraîtrait pas indiscret. Il était prêt à venir me trouver à quelque moment que ce fût et à me fournir toutes les explications que je pourrais désirer.

« Je répondis qu’il avait paru très convenable que les minutes des dépêches fussent transmises au souverain par le premier ministre, mais que cela n’empêchait pas lord Palmerston d’écrire à la reine aussi souvent, aussi longuement qu’il le jugerait nécessaire, et de lui adresser les explications qu’elle demandait. »


La discussion jusque-là était purement théorique ; il s’agissait des principes, non des applications. Tout à coup, pour donner à lord Palmerston une idée claire et précise des réclamations de la reine, le prince introduisit brusquement la question du Slesvig-Holstein, question fort épineuse que les plénipotentiaires des grandes puissances s’efforçaient alors de régler à la conférence de Londres. Contrairement aux idées de la reine, qui se montrait favorable à certaines passions germaniques, le cabinet appuyait le Danemark et voulait que l’intégrité de la monarchie danoise fût respectée. C’était l’avis des autres grandes puissances non engagées dans le conflit. La reine, sans renoncer à ses objections, s’était rendue à l’opinion du ministère ; elle avait signé le protocole où était exprimé ce désir des gouvernemens européens. Quelle avait été la conséquence de cet acte ? Soutenu ainsi par la conférence de Londres, le roi de Danemark avait essayé de soumettre la province rebelle ; le Slesvig était en feu : « S’il attaque aussi le Holstein, disait le prince Albert à lord Palmerston, les Allemands courront à son secours. D’un autre côté, si les habitants du Slesvig ont l’avantage, la Russie a menacé d’intervenir par les armes. Voilà des éventualités qui provoqueront très probablement une guerre européenne ; dans ce cas, que ferait lord Palmerston ? et qu’arriverait- il si nous étions alors à Balmoral et lord John Russell dans une autre partie de l’Ecosse ? » La reine comptait assez sur la prévoyance de lord Palmerston pour être persuadée qu’il avait regardé en face cette possibilité d’une guerre générale, et elle lui demandait une réponse catégorique à ce sujet : que ferait-il le cas échéant ?

Cette interrogation à brûle-pourpoint était un éclatant résumé