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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/670

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objection. D’abord il n’est pas démontré que, pour faire cette avance de 40 millions, les marchands de sel devront augmenter leur capital d’autant. Le capital n’est pas toujours en rapport avec l’importance des affaires. Il est tel commerçant qui, avec un capital d’un million ou deux, fera pour 40 ou 50 millions d’affaires, et ne l’augmentera pas sensiblement si celles-ci s’accroissent de 20 à 25 millions. Le fonds primitif restera le même. Il est vrai pourtant qu’il s’écoulera un temps plus ou moins long entre le moment où l’avance de l’impôt sera faite par le commerçant et celui où elle sera remboursée par le consommateur, temps pendant lequel un intérêt est dû; mais cela s’applique aussi bien aux taxes directes qu’aux autres. Je prends pour exemple l’impôt foncier. Si cet impôt rapporte 100 millions à l’état, les produits du sol sur lesquels il pèse devront payer à la fois les 100 millions avancés par le fermier ou le propriétaire et l’intérêt de cette avance. On établirait un impôt sur le revenu que le résultat serait encore le même; le commerçant qui l’acquitterait sur ses bénéfices le ferait entrer dans ses frais généraux et en demanderait le remboursement à ses cliens, capital et intérêts; l’avocat, le médecin, élèveraient leurs honoraires en conséquence. L’argument n’a donc pas de valeur spéciale contre les taxes indirectes; il s’applique également à tous les impôts, et comme, avec le système de la répercussion, ceux-ci retombent sur tout le monde, c’est une charge générale de la richesse; il n’y a pas à s’en préoccuper particulièrement.

Reste l’objection que les impôts indirects coûtent plus à percevoir que les autres. Cela est vrai généralement, il faut plus de surveillans pour empêcher la fraude. Cependant là encore il importe de ne rien exagérer. En Angleterre, où les trois quarts du budget sont fournis par les impôts indirects, droits d’excisé et de douane réunis, les frais de perception ne sont déjà que de 4 à 5 pour 100. S’ils sont plus élevés en France, cela tient à plusieurs raisons : d’abord, nous n’avons pas, comme nos voisins, qu’une simple frontière de mer, nous en avons une autre de terre beaucoup plus difficile à garder et par où la fraude s’exerce plus particulièrement; en outre, certains droits qui ne s’acquittent en Angleterre qu’en douane sur des marchandises qui viennent exclusivement du dehors, comme le sucre, le tabac, les alcools, etc., se paient chez nous sur la production intérieure et demandent une surveillance spéciale; enfin, comme l’a très bien fait remarquer M. Thiers dans un discours au corps législatif (19 juillet 1872), on n’établit pas toujours le compte exact de ce que coûtent les frais de perception. Pour les douanes par exemple, les fiais auxquels elles donnent lieu ne sont pas seulement afférens aux 250 millions qu’elles rapportent, mais aussi aux autres droits qu’elles garantissent à l’intérieur. Que