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faure et M. Laboulaye, reste en lui-même un acte inoffensif qui a été arraché par l’obsession à la faiblesse de quelques membres et qui n’engage en rien le sénat. Seulement le sénat se donnait l’apparence d’une intervention en faveur d’une politique et de ceux qui la représentent dans la crise dont on poursuit le dénoûment toujours insaisissable. C’est précisément la dernière faute du ministère du 17 mai d’avoir couvert sa retraite de cette diversion, de cette équivoque, comme aussi c’est un peu la faute des constitutionnels du sénat de se prêter à ces dangereuses tactiques, de trop s’effacer ou de trop se perdre dans les combinaisons d’une vaine diplomatie au moment où ils pourraient prendre le rôle le plus actif et le plus décisif.

Ils semblaient naturellement désignés pour cette médiation nécessaire entre les partis modérés, et, bien qu’un mois ait été déjà perdu, ils peuvent encore être utilement appelés à refaire autant que possible une situation régulière. Qu’il y ait à vaincre des difficultés sérieuses malheureusement nées de ces derniers temps, c’est possible, c’est même certain. Ces difficultés, ces résistances, on les trouvera dans une fraction de la majorité du sénat comme dans la majorité de l’autre chambre, dans les obstinations de parti, dans les prétentions extrêmes, dans les opinions qui se refusent aux plus simples transactions, prenant sans cesse leurs préjugés et leurs ombrages pour de la politique ; mais, si on attend pour se risquer qu’il n’y ait point de difficultés, si on s’arrête devant tout sous prétexte qu’on peut échouer, c’est assurément le meilleur moyen de ne pas réussir, et c’est ainsi qu’un parti se perd. Une chose est certaine : plus que tous les autres, les constitutionnels du sénat peuvent entreprendre une œuvre de conciliation que nous oserons appeler généreuse et patriotique aujourd’hui ; ils le peuvent dans des conditions à peu près indiquées par la nature des choses, avec le concours de quelques-uns de leurs collègues du centre gauche et quelques-uns des républicains modérés de la seconde chambre. Un ministère est presque tout trouvé, si on le veut, et il vaudra certes tous ceux qu’on pourra composer. Ceux qui se chargeront de ce travail vont, dès le premier pas, essuyer des refus, dit-on ; ils se heurteront contre des engagemens pris, contre des solidarités de partis : c’est encore possible. Ils se seront honorés par l’initiative la plus sérieuse ; ils auront fait acte d’hommes politiques dévoués à leur pays, et ils n’auront rien à craindre le jour où ils iront exposer loyalement devant les chambres les refus qu’ils ont rencontrés, ce qu’ils ont essayé, ce qu’ils ont voulu, — le maintien des institutions, de la république, avec les garanties conservatrices que tous les esprits sensés admettent, avec le respect des droits parlementaires que tout le monde veut remettre en honneur. Ce jour-là, devant la confession sincère de tous ceux qui auront coopéré à ces négociations, la question est de savoir à qui l’opinion donnera raison, —