Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/719

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les hommes qui se sont prêtés avec dévoûment à cette œuvre, il y en a d’éminens par leurs facultés, il y en a qui sont estimés pour leur aptitude spéciale. Quelques-uns sont des naufragés des dernières élections, et c’est peut-être ce qui a le plus compromis le nouveau cabinet dès sa naissance, ce qui lui a attiré dès la première heure un assez mauvais compliment de la chambre des députés. Dans tous les cas, ce n’est évidemment qu’une combinaison éphémère, qui a peut-être ajouté quelques complications de plus à la crise par cela même qu’elle ne la dénouait pas, — et qui a peut-être aussi laissé le temps de faire quelques réflexions de plus, d’envisager de plus près la nécessité des choses. M. le maréchal de Mac-Mahon aurait eu, dit-on, ces jours derniers, les conversations les plus sérieuses avec M. le président du sénat comme avec M. le président de la chambre des députés. Les deux représentans du parlement oot dû, à coup sûr, l’éclairer, en ayant l’occasion de s’éclairer eux-mêmes sur les intentions du chef de l’état, et si cela était, si les intentions se trouvaient dégagées de toute obscurité, si un premier pas était fait, pourquoi ne pourrait-on pas espérer d’ici à peu une solution qui permettrait tout au moins à la France de respirer ?

Pourquoi la majorité républicaine de la chambre des députés ne se prêterait-elle pas elle-même par sa modération, par sa mesure, à cette solution qui serait un soulagement ? Elle est arrivée sans doute à Versailles toute chaude encore de la lutte, pleine d’irritations et de ressentimens à peine contenus, animée aussi de toutes les susceptibilités d’un pouvoir à demi méconnu, presque contesté dès sa naissance. Quelques jours sont passés depuis, et les républicains de la chambre, eux aussi, ont pu et dû réfléchir. Eh bien ! s’ils ont réfléchi avec maturité, avec le sentiment précis de la situation, des intérêts du pays et même des intérêts de leur parti, ils ont dû rester convaincus que la première loi pour eux est la prudence. Tout ce qui paraîtrait irriter et envenimer le conflit serait certainement une faute. La vraie force de la majorité républicaine de la chambre est dans une conduite mesurée, strictement légale, conciliante, et, ce qui pourrait n’être pas moins dangereux, ce serait de mêler toute sorte d’inspirations contraires, d’accompagner par exemple des actes légitimes en eux-mêmes de commentaires et de procédés à demi révolutionnaires. C’est ce qui est arrivé déjà deux fois, — à propos de l’enquête, qui était un acte tout simple, régulier, mais qu’on a trouvé le moyen de compromettre par des considérans plus tapageurs que décisifs, — et plus récemment, à propos de cet ordre du jour qu’on a lancé contre le nouveau cabinet. Que peut signifier un ordre du jour par lequel on déclare au ministère qu’on ne le connaît pas ? Il y a aujourd’hui un sentiment universel, c’est que cette lamentable crise doit finir, qu’elle doit finir pacifiquement, et si M. le prési-