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rentrée des Bourbons était bien loin de lui déplaire ; mais la façon méprisante dont les partisans du nouveau régime parlaient de l’empire et de l’empereur lui paraissait aussi ridicule qu’imprudente. On le nomma officier supérieur dans la première compagnie des mousquetaires gris de la garde du roi, dont M. de Lauriston. était capitaine. En cette qualité, il dut, lors du retour de l’île d’Elbe, escorter Louis XVIII jusqu’à la frontière de Belgique. La fortune ne contrariait pas son inclination en l’envoyant, à si peu de jours de distance, protéger tour à tour la retraite de ceux qu’elle avait successivement trahis. Rentré à Paris, mon père fut, par suite d’une mesure générale, exilé par l’empereur à quarante lieues de la capitale. Gurcy était à vingt lieues, on lui permit d’y résider. Pendant qu’il était chez lui, il reçut une lettre par laquelle le ministre lui annonçait que le roi Louis XVIII l’avait nommé et que l’empereur le confirmait officier de la Légion d’honneur. Ainsi mon père se trouvait à la fois exilé et décoré par le nouveau gouvernement.

Le retour définitif des Bourbons réjouit beaucoup mon père. L’établissement d’une monarchie constitutionnelle, sur le modèle de celle qu’il avait vue en Angleterre, était conforme à ses opinions. La création d’une pairie héréditaire lui paraissait consacrer l’alliance heureuse des souvenirs du passé et des besoins du présent. Il fut nommé pair le 17 août 1815. Il apprit sa nomination par un billet que lui écrivit M. le comte Molé avec cette suscription : « A M. le comte d’Haussonville, pair de France, M. le comte Molé, pair de France. » Ils firent ensemble les visites d’usage. Mon père porta dans l’exercice de ses nouvelles fonctions un zèle qui ne se ralentit pas un instant pendant toute la durée de la restauration. Tous ses collègues ont apprécié la remarquable rectitude de son esprit, son inaltérable modération, sa tranquille fermeté, son désintéressement absolu. Partisan très décidé du principe de la légitimité, il portait un grand respect aux prérogatives de la couronne ; il était d’avis qu’on ménageât les susceptibilités royales et que la pratique du gouvernement représentatif ne fût pas, au début, rendue trop difficile ou trop blessante pour les princes de cette maison habituée depuis si longtemps à exercer un pouvoir sans contrôle. Cependant les tentatives faites pour reprendre par la violence ou par la ruse les concessions octroyées en 1815 lui parurent toujours des actes de folie et de mauvaise foi. Jamais il ne prêta son concours aux manœuvres des ultra-royalistes. Il les combattit dans tous les temps et sous toutes les formes.

Jusqu’en 1821, époque de la mort du cardinal de la Luzerne, mon père avait assisté régulièrement aux réunions politiques qui se