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appel à son savoir. L’individu, la famille, la commune, l’état, lui confient des missions qui touchent aux plus chers et aux plus pressans intérêts. Est-il étonnant que, par le nombre de ses adeptes et par la nature de ses fonctions, la profession médicale exerce sur les populations une influence profonde et continue ; bienfaisante, si le médecin est éclairé et digne, dangereuse si le médecin est ignorant, ou obéit à de mauvaises passions ? Quelle importance suprême en revient à l’enseignement médical ! Combien la société est intéressée à ce qu’il soit libéralement donné, et de façon à former des générations de médecins comprenant leur mission, possédant à fond leur science et leur art, et s’y attachant comme à toutes les grandes choses que l’on comprend !

Cette importance sociale de l’enseignement médical semblait mal appréciée des gouvernemens précédens, à en juger par le demi-abandon dans lequel il était laissé. Alors que, à l’étranger, les instituts physiologiques et pathologiques grandissaient chaque jour, en France toute amélioration, tout agrandissement de nos facultés de médecine restaient en suspens. On faisait des projets que l’on n’exécutait pas. Nous ne possédions que trois facultés ; on les laissait languir et vieillir, et l’on demeurait indifférent à leur progressif affaiblissement. L’une, célèbre par son passé et l’élévation de ses doctrines, Montpellier, semblait oubliée et endormie dans les régions du midi, manquait de laboratoires et de ressources cliniques. Strasbourg, sur les confins de l’Allemagne, assistait au prodigieux développement que prenaient les études expérimentales en ce pays ; notre faculté de Strasbourg semblait bien pauvre en regard de ces universités voisines, remuantes, richement dotées, écoutées de tous, sorte de pouvoir national et presque prépondérant ; elle n’obtenait une certaine vitalité que par l’adjonction d’une école de santé militaire, qui lui fournissait ses élèves et stimulait son enseignement. La faculté de Paris enfin, où affluait la presque totalité des étudians français, avait jeté, sous la restauration et sous les premières années du gouvernement de juillet, un éclat extraordinaire ; elle avait rempli le monde de ses découvertes, entre lesquelles brillait l’auscultation, comme une merveille éblouissante. Toute l’Europe scientifique et médicale venait alors s’instruire à l’école de Paris, et ainsi rayonnaient rapidement tous les progrès réalisés en ces années fécondes. Cette gloire, reconnue de tous, donna à croire sans doute que la faculté de Paris était une création achevée, munie de tous les moyens désirables d’instruction et de travail. Quelle renommée dépassait ou égalait la sienne ? Quelle grande découverte n’était le fruit de ses entrailles ? Pourquoi les pouvoirs publics se seraient-ils préoccupés de sa prospérité ? La faculté réclamait et se plaignait. Quel corps