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en vigueur les ordonnances surannées de la compagnie hollandaise, qui prohibaient, sous peine de confiscation, toute rencontre entre les deux races. Une autre fois on exigeait que tout individu, qu’il fût blanc ou noir, circulant à l’intérieur de la colonie, fût muni d’un passeport, prescription tracassière dans ; un pays où le fermier le plus paisible se déplaçait du jour au lendemain, à la recherche de nouvelles pâtures pour ses troupeaux. Ou bien encore on expulsait ! par mesure générale tous les indigènes cantonnés dans tel ou tel district, au grand détriment des cultivateurs qui se voyaient privés de leurs plus fidèles serviteurs. Le parlement anglais s’émut des plaintes qu’on lui adressait. Une commission d’enquête vint par son ordre examiner sur place ce qu’il y avait à faire, et, sur son rapport, le ministre des colonies institua un commissaire général, résidant près de la frontière orientale, avec pouvoir de réviser les décisions des magistrats inférieurs. Ce haut fonctionnaire devait surveiller en outre les natifs, et, en un mot, trancher sans délai les questions pour lesquelles il y avait inconvénient à attendre la décision du gouverneur. Déjà des commissaires civils avaient remplacé d’ans chaque district les landdrosts et les heemraden, magistrats locaux de l’ancienne administration hollandaise, auxquels on reprochait trop de partialité.

Cela se passait en 1827. Le premier commissaire-général, Andries Stockenstrom, était l’un des hommes les plus remarquables de la colonie. Son père, landdrost de Graafï-Reinet, avait été assassiné par trahison dans une entrevue avec les Cafres. Lui-même avait d’abord servi dans une expédition au-delà de la frontière en qualité d’interprète ; puis il avait été officier dans le régiment du Cap, magistrat dans son district natal. Il connaissait les Cafres aussi bien que les boers, et il était connu d’eux comme un homme bienveillant, actif, intelligent. Son plus grave défaut, commun à tous les administrateurs qui connaissent bien les lieux et les hommes, était de posséder sur les divers sujets de sa compétence des opinions fort arrêtées qui ne plaisaient pas à tout le monde. Ainsi on avait toujours accordé aux boers le droit de représailles contre les Cafres. Un troupeau était-il volé par ceux-ci, une patrouille militaire, appuyée par un commando de colons, entrait sur le territoire ennemi, pillait le premier village venu, massacrait ou réduisait en esclavage les indigènes faits prisonniers. Les troupes régulières s’épuisaient dans ces courses peu glorieuses ; les boers y perdaient leur temps et quelquefois la vie, sans compter que ces luttes incessantes entretenaient de part et d’autre un état d’irritation menaçant pour la paix publique.

Stockenstrom voulut abolir cette coutume barbare ; n’y pouvant réussir, il donna sa démission et partit pour l’Angleterre. Peu