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trompent certainement, mais ils ne se trompent que sur des motifs graves et plausibles. Ces motifs, il les résume, il les pèse, il les juge ; aucun des argumens employés contre la loi ne lui paraît de nature à justifier les colères publiques. C’est qu’il y a ici bien autre chose que la loi des fondations charitables. Cette menace de guerre civile tient à la situation même des partis, « Étrange situation ! écrit-il. Ce ne sont plus des droits ni des idées, ce sont des craintes qui se combattent. Les libéraux craignent la religion, les croyans craignent la liberté. Ni les uns ni les autres n’ont dans leur cause et dans leur force assez de confiance pour accepter la liberté de leurs adversaires ; personne aujourd’hui ne se croit en état et n’a envie de résister. Personne ne se juge en sûreté qu’à la condition de dominer, et de dominer seul : déplorable affaiblissement, dans tous les partis, de la foi, des caractères et des mœurs ! » Les alarmes des libéraux sont-elles justifiées ? M. Guizot a déjà dit que l’examen de la loi les condamnait, il complète sa preuve par l’examen des hommes qui l’ont présentée et de la conduite qu’ils ont tenue jusqu’à ce jour, soit au ministère, soit dans l’opposition. Là encore, il ne voit qu’une seule chose, l’exercice régulier de la vie parlementaire. Tant que les opinions luttent librement, légalement, il n’y a point de place pour ces appréhensions ténébreuses qui soulèvent les foules irritées. D’où vient donc cette explosion du mois de mai 1857, si ce n’est point du parlement qu’elle est sortie ? M. Guizot interroge à ce sujet des hommes qui connaissent bien le pays, et on lui apprend qu’en effet la machine infernale est ailleurs. Un esprit d’anarchie prenant surtout la forme de l’esprit d’impiété travaille ardemment la Belgique. De cette Belgique ainsi travaillée, l’illustre écrivain nous trace d’après ses correspondans un tableau sinistre. Voyez cette nuée de journaux obscurs, grossiers, ayant chacun peu d’abonnés, mais assez pour vivre, qui propagent dans la population les idées dissolvantes ; « ils ne poussent pas directement à une révolution politique prochaine, ils fomentent une révolution morale qui prépare et amènera toutes les autres. » Ce travail de perversion générale, aidé par des sociétés secrètes, même des sociétés avouées, se répand de proche en proche. Les villes surtout en sont le foyer. « Comment expliquer autrement les spectacles que nous a donnés la dernière émeute ? D’une part, le nonce du pape, de l’autre des sœurs de charité, des frères des écoles chrétiennes, des petites sœurs des pauvres, les plus élevés et les plus modestes représentans de l’église catholique insultés dans les murs de Bruxelles par des hommes du peuple belge, en présence de bourgeois belges, spectateurs indifférens ou ricaneurs ! Les séditions et les brutalités politiques ont été fréquentes en Belgique ; les outrages religieux y sont un fait nouveau et la plus