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ordinaire, ils n’étaient ni nomades ni citadins. Peut-être est-ce en ces conditions que le régime féodal se conserve le mieux. Tout chef de tribu avait, en vertu de vieilles coutumes, le droit de rançonner ses vassaux sous de futiles prétextes. Ainsi tout individu qui s’était enrichi par le commerce ou par l’élevage des troupeaux ne manquait pas d’être accusé de sortilège ; sa vie était menacée, ses biens confisqués. Autour du prince se réunissaient des courtisans habiles à profiter de ces concussions, avides d’en conserver la tradition. Sir George Grey connaissait cela. Il offrit de payer une rente fixe aux chefs de tribu qui renonceraient au privilège de taxer leurs sujets. Certains critiques prétendirent que c’était mal employer l’argent de la Grande-Bretagne que de le donner à de tels personnages. On reconnut bientôt que c’était au contraire un moyen assuré de détruire l’influence des monarques indigènes. Ils conservèrent les honneurs de leur situation, il est vrai ; ils n’en eurent plus le pouvoir. En échange de ces subsides annuels, on leur imposa de recevoir dans leurs kraals des magistrats européens qui furent bientôt les vrais maîtres.

Cependant sir G. Grey pensait que le plus sûr était de développer la colonisation. Il aurait voulu établir dans la Cafrerie, comme il l’avait fait à la Nouvelle-Zélande, des soldats libérés du service militaire, réunis dans des villages bien fortifiés. Il se trouvait justement que le gouvernement britannique licenciait à cette époque une légion allemande recrutée pour les besoins de la guerre d’Orient. Chaque homme avait droit, par son contrat d’engagement, à une indemnité de 500 francs ; avec 2,500 francs par tête on calcula qu’il était possible de les transporter au Cap et de payer les frais de leur premier établissement. Le parlement colonial prit volontiers à sa charge une partie de la dépense ; 2,300 sous-officiers et soldats, conduits par un certain nombre d’officiers, furent ainsi dirigés vers la Cafrerie. Par malheur, ils étaient presque tous célibataires, en sorte que l’élément essentiel de la colonisation faisait défaut. Au reste, cet essai de peuplement militaire avorta par une autre cause. L’Angleterre avait treize régimens dans l’Afrique australe, ce qui constituait une garnison bien considérable pour une possession de cette importance. Lorsque éclata l’insurrection de l’Inde en 1857, il fallut expédier aussitôt en Asie la plus grande partie de ces troupes ; le gouverneur eut alors quelques inquiétudes sur la tranquillité de la colonie, il se hâta de rappeler au service les émigrés allemands. En somme, la tentative ne réussit pas. Ailleurs aussi on a rêvé avec aussi peu de succès de défricher un pays nouveau par la colonisation militaire.

Les Cafres sont musulmans. Peut-être subirent-ils en 1856,