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« La liberté constitutionnelle consiste dans le droit d’exercer librement toutes les facultés de l’esprit et du corps sans porter atteinte au droit des autres d’en faire autant. Dans les meilleurs gouvernemens plus ou moins de cette liberté a été sacrifié sans nécessité, par ignorance, indolence ou accident, et tout homme doit saisir l’occasion favorable de recouvrer ce que ses ancêtres ont perdu. On ne doit jamais reconnaître à aucun homme pouvoir sur un autre. La tête des hommes les plus sensés n’y résiste pas, et depuis le monarque jusqu’au paysan, tous en abusent. Tout homme doit se mettre en garde contre toute faiblesse, accident, nécessité momentanée, ou effusion de cœur, qui pourrait le mettre dans la dépendance d’un autre homme ! Toutes les cours et tous les princes ont peur des hommes de talent, ils considèrent comme synonymes homme de talent et fripon. Tandis que presque tous les princes font de l’extension de leurs pouvoirs le grand objet de leur vie, c’est une bénédiction insigne pour les peuples que l’étroitesse, la jalousie et l’incapacité qui caractérisent la plupart des rois les privent du seul moyen d’accomplir leurs desseins, d’un ministre honnête et capable. Quand ils sont forcés par l’opposition ou quelque difficulté à en prendre un, de ce moment ils sont pour lui le plus cruel ennemi ; et ils sont infatigables jusqu’à ce qu’ils s’en soient débarrassés ou qu’ils l’aient sacrifié. Ils ne manquent jamais d’instrumens ; des menteurs, des libellistes, des calomniateurs ou des intrigans sont toujours à leur disposition pour prévenir toute espèce de réforme. C’est ce que les rois appellent gouverner. Ç’a toujours été la même chose de tous temps et dans toutes les cours. »

Quant à ce parti des amis du roi, qui constituaient derrière le trône un cabinet intérieur ou double, dont l’influence combattait les résolutions des ministres responsables et contrariait leur initiative, Shelburne les peint de façon à prouver qu’il n’a jamais fait partie de leurs conciliabules. « Un groupe d’hommes qui à l’avènement de sa majesté se sont enrôlés sous la bannière du comte de Bute, qui s’appellent impudemment les amis du roi et qui ne sont en réalité les amis de personne que d’eux-mêmes, qui se sont conduits avec tous les ministres comme des hommes sans principes, tantôt les soutenant, tantôt les trahissant, selon leurs intérêts particuliers, qui ont tourné leur attention bien plus sur les intrigues et leurs propres traitemens que sur le bien public. »

Sur toutes les grandes questions, avant tout dans les relations avec les colonies, Shelburne avait proposé une politique toute différente de celle que préconisaient les amis du roi, et sur des points plus délicats qui touchaient plus directement à la couronne, comme la révocation de certains fonctionnaires ou l’administration de la