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autre chose chez les jacobins que le culte de la guillotine, ne pouvaient plus continuer à vivre chez eux, trop heureux s’ils avaient le temps de mettre l’Atlantique entre eux et leurs voisins enragés. Des ecclésiastiques soupçonnés de sympathie pour les Vindiciœ Gallicœ de Mackintosh étaient destitués de leur place de fellow sous le prétexte d’athéisme et condamnés à mourir de faim, sans pouvoir obtenir une cure, comme d’infâmes radicaux. Les négocians whigs avaient de la peine à négocier leur propre papier, et les avocats n’étaient pas écoutés des tribunaux. De l’ancienne phalange libérale à peine une quarantaine restaient fidèles à Fox dans les communes ; à la chambre des lords on comptait six ou sept opposans, Lansdowne dans le nombre. Il raillait finement les conservateurs alarmés qui s’opposaient à toute réforme dans la crainte qu’on ne pût plus s’arrêter et qu’après une réforme modérée on fût entraîné à voter des réformes incompatibles avec les principes de la constitution. « Eh quoi ! si j’étais le débiteur de mon voisin pour une somme de cent livres, serais-je autorisé à lui répondre : Je ne veux pas vous payer, parce que vous me réclameriez une autre somme et je ne saurais plus où vos demandes s’arrêteraient. » Malgré la faveur avec laquelle on accueillait tous les actes du ministère qui rappelaient l’époque des Stuarts, il combattit vivement la fameuse proclamation du 1er décembre 1792, et il l’accusa d’être un acte coupable, « plus fait pour provoquer que pour intimider, pour alarmer que pour rassurer, et s’il y a une vipère dans le pays, ou un crapaud, pour les irriter et les faire sortir. »

On entend d’ici les insultes, les calomnies dont Lansdowne fut accablé. Il estimait que les lois ordinaires suffisaient pour maintenir l’ordre et prévenir tous les excès, ce ne pouvait être qu’un affreux jacobin. D’ailleurs que pouvait-on attendre d’un homme qui avait pour amis des Bentham, des Priestley, de ces hommes auxquels la convention venait de décerner le titre de citoyens français ? Lord Holland avait plus de perspicacité et de patriotisme que tous ces ministériels affolés, quand il écrivait à ce moment de Berlin à Lansdowne : « La défaite des armées coalisées doit procurer un grand plaisir à tous les Anglais, plaisir égoïste si vous voulez. Nous avons plus à craindre les empiétemens du roi et de l’administration que les violences du peuple, et qui peut dire si notre tour ne viendrait pas bientôt quand la France aurait été vaincue ? La même sollicitude qui a inspiré aux rois la pensée de faire la guerre à la France ne les conduirait-elle pas dans l’enivrement du succès à faire taire cette chambre des communes si turbulente et ces impudens pamphlétaires de Londres ? »

A la fin de février 1793, la France déclara la guerre à