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que bien des siècles après que la monarchie des Goths eut été détruite et oubliée.

Il est une seconde opinion très ancienne, celle qu’adoptèrent les parias de Navarre eux-mêmes dans leur supplique à Léon X, et qui leur donne pour ancêtres les hérétiques albigeois excommuniés par Innocent III ; mais où voit-on que les populations du midi, au XIIIe siècle, fussent si curieuses d’orthodoxie que de prendre en mépris et en aversion ceux que l’église de Rome avait condamnés ? Toutes au contraire, plus ou moins, s’étaient laissé gagner aux idées d’hérésie, et même après, qu’elles eurent abjuré en masse par crainte de l’inquisition, elles restèrent de cœur avec les proscrits et les protégèrent jusqu’au bout de leur complicité bienveillante. D’autre part, comme le fait observer Marca, les cagots remontent beaucoup plus haut que les Albigeois ; en effet, ceux-ci apparurent en Languedoc vers l’an 1180 environ, et furent ruinés en 1215, au lieu que les cagots étaient connus sous le nom de chrestiens dès l’an 1000, ainsi qu’il appert du cartulaire de l’abbaye de Luc ; l’ancien fuero de Navarre, compilé vers 1074, fait mention d’eux également sous le nom de gafos. Arrivant alors à son propre : système : « Je pense donc, dit le savant historien, qu’ils sont descendus des Sarrasins, qui restèrent en Gascogne ; après que Charles Martel eut défait Abderama, qui en son passage avait occupé les Pyrénées et toute la province d’Aux ; on leur donna la vie en faveur de leur religion chrestienne, d’où ils tirèrent le nom de chrestiens, et néanmoins on conserva tout entière en leur personne la haine de la nation sarrazinesque, d’où vient, le surnom de gezitains, la persuasion qu’ils sont ladres et la marque du pied d’oie. » En effet, s’il faut en croire son raisonnement, l’armée d’Abdérame venait de Syrie, province depuis longtemps connue pour sujette à la lèpre, tant par les témoignages des médecins que par les récits, de la Bible ; de plus, l’expérience aurait démontré que tous les Sarrasins, par nature, sentent mauvais, et la marque du pied d’oie ne serait elle-même qu’une allusion directe aux prescriptions de la loi de Mahomet, qui leur ordonne de faire leurs ablutions plusieurs fois par jour. « L’oie étant un animal qui se plaît à nager ordinairement dans les eaux. » Reste à expliquer le nom de cagots : « Sur quoi, poursuit-il, je n’ai rien de plus vraisemblable à présenter sinon qu’on leur faisait ce reproche pour se moquer de la vanité des Sarrasins qui, ayant surmonté les Espagnes, mettaient entre leurs qualités celle de vainqueurs des Goths. De même que Cicéron nomme chiens ces effrontés qui servaient aux projets de Verrès pour butiner la Sicile. »

Il n’y a pas à relever cette étymologie fantastique, que Marca n’hésite point à condamner chez les autres, et qu’il adopte pour