besoins de la communauté. Ils sont laborieux et honnêtes. Eux aussi se croient les descendans d’une armée autrefois vaincue. A l’église, ils occupent toujours leur ancienne place, mais par pure habitude et sans que personne en prenne occasion pour les insulter ; leur bénitier, qui se voit encore en bas de l’escalier des tribunes, demeure aujourd’hui à sec. Pourtant ils n’ont pas la liberté de se mêler le dimanche après vêpres, selon l’usage, sur la grande place d’Arizcun, avec les autres habitans de la paroisse, et ils retournent à Bozate jouer et danser entre eux. Mais c’est surtout dans les questions de mariage que réapparaît le vieux préjugé ; ils sont forcés de prendre des femmes de leur caste ou de partir aux colonies. « Qui voudrait d’un agot ? » disait à M. de Rochas une jeune fille d’Urdax.
Outre ces trois groupes principaux, il existe encore, répandues en Béarn, à Escos, à Dognen, à Lurbe, à Lescun, un certain nombre de familles que la tradition désigne comme descendant directement des cagots et où le sang en effet doit être resté pur de tout mélange ou à peu près. La plupart des sujets examinés par M. de Rochas appartenaient au type béarnais le plus répandu et qui se résume ainsi : taille moyenne et bien prise, tête ronde, traits réguliers, cheveux noirs ou châtains de même que les yeux ; ils avaient l’oreille bien conformée ou du moins l’absence du lobule n’était pas plus fréquente parmi eux que dans le reste de la population environnante ; avec cela, tous sains et vigoureux. N’eût été leur résidence et leur profession, on n’eût jamais soupçonné la tache de leur origine. Autant peut-on en dire de ceux de Terranère et de Mailhoc en Bigorre. Dans le Languedoc et le Poitou le souvenir des caquots et des capots est encore plus effacé que le nom des gahets en Gascogne. Reste la Bretagne. M. de Rochas n’a pas visité lui-même les derniers des cacous, mais il a réuni sur leur compte une foule de renseignemens curieux et tout récens. Il semble qu’ici le préjugé soit resté plus tenace et plus vivace que partout ailleurs. En 1872, M. Rosensweig constate que, tout en jouissant de la plénitude de leurs droits civils, ils n’en sont pas moins encore dans les campagnes l’objet du mépris général et quelquefois d’une crainte superstitieuse. De son côté, un médecin de Vannes écrivait : « Les cacous s’allient entre eux ; ils habitent des faubourgs appelés madeleine ; le plus souvent ils sont cordiers de profession, vivant seuls, séparés des habitans, mal vus. Ils ont un caractère méfiant et taciturne. Encore à présent on dirait qu’ils s’étonnent qu’on pénètre dans leur domicile, et leurs yeux fixes, presque sauvages, ne vous quittent plus du regard. Leurs habitations sont malsaines, leur alimentation insuffisante, leurs mariages consanguins, autant de causes pour expliquer la diathèse scrofuleuse et souvent scorbutique qu’ils présentent. Un grand nombre, autant qu’on en peut juger sans prendre