Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

français, est un témoignage de cette amitié qui est si naturelle, que la politique des deux gouvernemens doit s’étudier sans cesse à entretenir et à faire fructifier.

Le roi Victor-Emmanuel avait, dit-on, dans les derniers jours de sa vie la préoccupation fixe et pénible de la situation de l’Europe, des complications qui sont partout à la surface du continent, qui imposeraient à l’Italie des redoublemens de prudence et d’union intérieure. Ces complications sont assurément graves, elles ne le sont cependant pas plus pour l’Italie que pour les autres pays, et, à vrai dire, tous les états de l’Occident n’ont-ils pas un seul et même intérêt ? Ils sont tous intéressés à voir la paix renaître le plus tôt possible, à y travailler s’ils le peuvent, à aider de leurs conseils, de leur bonne volonté, de leurs bons offices, à une solution suffisamment équitable, tout au moins modérée, de ce redoutable conflit qui trouble l’Orient depuis huit mois, qui reste le grand sujet d’inquiétude, le nuage sombre sur l’Europe. Pour l’Occident, c’est la paix qui est aujourd’hui le premier but, le premier désir ; mais cette paix que tout le monde veut et réclame, est-elle prochaine et facile ? Entrevoit-on à travers l’ombre sanglante des événemens de la guerre les élémens de la solution ? Les propositions d’armistice dont la Porte a chargé l’Angleterre et que l’Angleterre s’est empressée de transmettre à Saint-Pétersbourg sont-elles acceptées ou refusées ? Où en sont-elles, et quelles seraient les conditions de cette suspension d’hostilités ? Serait-ce un armistice simplement militaire ou un armistice impliquant des préliminaires de paix ? Voilà autant de questions qui, depuis quelques jours, voyagent à travers l’Europe et qui jusqu’ici n’ont reçu ni réponse précise, ni éclaircissement rassurant.

Ce qui est certain, c’est que les affaires des Turcs, déjà fort compromises il y a quelques semaines, ne font qu’empirer de jour en jour, au point d’apparaître désormais sous l’aspect le plus sombre. On discute, il est vrai, à Constantinople. Le parlement créé par la constitution nouvelle de l’empire ottoman est réuni, et il se trouve en présence d’une situation presque désespérée, dont il cherche les causes. Les ministres, le séraskiérat. le conseil supérieur de la guerre, les généraux sont chaque jour remis sur la sellette, accusés pour toutes les fautes commises, pour les approvisionnemens qui ont manqué, pour les déficits dans les effectifs, pour les opérations mal conduites. Les députés ottomans, eux aussi, font des questionnaires accusateurs qui sont malheureusement assez justifiés, mais qui ne décident rien et ne servent pas surtout à relever la fortune des Turcs. On prodigue les discours plus que les résolutions. Pendant ce temps, les Russes, en dépit des rigueurs de l’hiver, poussent énergiquement leurs opérations. Maîtres désormais de la Bulgarie, sauf les places du quadrilatère, ils