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européen des améliorations sérieuses combinées avec le maintien de « l’intégrité et de l’indépendance de l’Orient. » C’est la solution qui se concilie le mieux avec la sécurité de l’Europe et ce qui reste de droit public. La Russie peut, au contraire, se laisser entraîner par le succès, multiplier ses prétentions soit en Asie, soit dans la région du Danube, passer à travers tous les traités, reprendre en un mot, sans partage en Orient, une prépondérance agrandie par des conquêtes dont son ambition seule fixerait la mesure. Tout cela est possible sans doute ; mais ce ne serait qu’une victoire de la force, comme il y a eu, depuis un siècle, tant d’autres victoires qui n’ont pas duré, même dans ces affaires d’Orient. La Russie n’est-elle pas plus intéressée à donner un grand exemple de modération, à prendre l’initiative d’une paix qui sera toujours glorieuse pour elle, et qui maintiendrait les conditions générales de la sécurité européenne ? Tous les regards sont évidemment fixés sur elle ; ce qu’elle va faire peut décider de toutes les combinaisons sur le continent, et à défaut d’autres lumières, qui ne peuvent guère venir d’ailleurs, on va avoir dans deux jours les débats du parlement anglais, où se produiront inévitablement des explications décisives qui aideront à voir plus clair dans ce grand et confus problème oriental.

Eh bien ! de tout ce qui se passe dans le monde, autour de nous ou loin de nous, ceux qui réfléchissent, qui aiment leur pays en France, peuvent assurément tirer quelque profit. Dans ces affaires d’Orient et dans la situation européenne qui en résulte, ils peuvent trouver mille raisons de prudence, de réserve et de prévoyante modération. Dans ce spectacle de l’Italie tout entière réunie par un sentiment de deuil autour des dépouilles de Victor-Emmanuel, ils peuvent voir comment un pays, fût-il petit, fût-il éprouvé par les plus cruels désastres, peut revenir de loin et devenir grand, avec un chef loyal, des hommes au dévoûment habile, et un patriotisme qui a su plus d’une fois se mettre au-dessus des passions des partis, C’est une moralité des événemens les plus récens, qui est à l’usage de tous ceux qui prétendent avoir une influence sur les affaires publiques, et elle vaut bien quelques luttes stériles, quelques discussions irritantes, quelques conflits d’ambitions ou de vanités de couloirs parlementaires. La France est entrée dans une ère d’apaisement que le retour récent des chambres à Versailles n’a point réussi à troubler. Nous sommes visiblement à la paix intérieure. C’est l’œuvre de tout le monde, du ministère comme du parlement, de régulariser, de consolider cette paix dont M. Léon Renault, M. Calmon, traçaient dernièrement le programme dans des discours pleins de raison et de saine modération. Depuis près d’un an, nous avons vécu dans une sorte de bataille irritante et aveuglante. Nous sommes sortis de ce tourbillon, de cette crise dangereuse par le simple ressort des