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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/487

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nouvelle d’Achim d’Arnim : Raphaël et ses voisines, nous le montre irrésistiblement adonné aux belles et dans leurs bras oubliant tout travail. Qui ne connaît l’histoire de ce fameux plafond vingt fois promis au banquier Chigi et que le richissime financier n’obtint qu’en mettant dans son jeu la maîtresse du peintre, una sua donna, et l’installant sur l’échafaudage, de manière que Raphaël l’eût à ses côtés pendant la séance ! Je sais que Passavant s’inscrit en faux contre cette anecdote, qu’il traite de pur commérage rapporté par Vasari pour obscurcir le noble caractère de Raphaël ; mais ce que je sais aussi, c’est que Passavant, comme tout apologiste convaincu, a devant les yeux un idéal auquel il faut, bon gré, mal gré, que son héros se conforme. Nous n’avons point à revenir ici sur un livre désormais classé et qui, en tant que catalogue raisonné de l’œuvre du maître, s’impose à notre estime. Ce que cette grande étude contient d’excellent, les critiques les plus autorisés de France, d’Angleterre et d’Allemagne l’ont écrit ; on en a dit aussi les défauts, qui sont nombreux, principalement au point de vue biographique, et nul ne s’est expliqué là-dessus plus vertement que Herman Grimm, l’historien et l’ami de Pierre Cornélius. « Une simple polémique, assure-t-il, ne suffirait point ; il faudrait suivre l’auteur pas à pas et ramasser sur son chemin tout ce qu’il a négligé soit involontairement, soit de plein gré, ce qui équivaudrait à composer une nouvelle biographie, tâche nécessairement fort ingrate où Passavant aurait toujours sur vous l’avantage de sa laborieuse application et de sa longue familiarité avec les originaux[1]. » D’où je conclus que, dans la question très particulière qui va nous occuper, il vaut mieux croire à Vasari et tout bonnement se fier à « ses commérages, » n’eussions-nous affaire au demeurant qu’à l’une de ces légendes qui, sans être vraies, n’en symbolisent pas moins en quelques traits la vie et les mœurs d’un grand artiste. Jamais François Ier n’assista Léonard de Vinci à ses derniers momens ; il n’y a là rien, absolument rien d’historique, et pourtant cela mériterait d’être de l’histoire, tant c’est vraisemblable et tant cette invention nous peint au naturel la familiarité des rapports existans au XVIe siècle entre la royauté et l’art ; même remarque au sujet de ce pinceau légendaire que d’illustres mains laissent choir du haut d’une échelle, et que des souverains s’empressent de ramasser. Quels sont les acteurs de la scène ? Les uns nomment Titien et Charles-Quint, d’autres Albert Durer et Maximilien, les uns la placent à Venise, les autres à Nuremberg, preuve que la scène n’eut jamais lieu que dans l’imagination des

  1. Herman Grimm, Raphael’s Disputa und Schule von Athen, t. Ier, p. 180.